Royaume-Uni : le Combréen Keith Bloomfield, ancien diplomate britannique, analyse la situation

Boris Johnson, dans la tourmente, va laisser son poste de Premier ministre. Son successeur reprendra le pays dans un contexte économique difficile. Keith Bloomfield, ancien diplomate britannique, livre son regard.

8 juillet 2022 à 13h24 par Alexis Vellayoudom

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La pression devenait intenable pour Boris Johnson. Le Premier ministre, accusé d'avoir eu connaissance des accusation d'agressions sexuelles portées à l'encontre de Christopher Pincher avant de le nommer ministre, a finalement laissé les clefs du pouvoir. Les démissions successives de deux hommes forts de son gouvernement puis d'une cinquantaine de membres l'ont poussé vers la sortie. Keith Bloomfield, ancien diplomate britannique, installé à Combrée, est revenu sur cet épisode et la suite qui se prépare. 

 

Concrètement, qu'est-ce qui s'est passé pour que Boris Johnson démissionne ? 

 

Depuis le début de l'année, il y a eu scandale sur scandale. Il y a eu ses soirées dans le bureau du Premier ministre, il a menti au Parlement la-dessus. Après, plusieurs membres de son parti qu'il a nommé au gouvernement, ont été accusés d'agressions sexuelles. Lui a dit qu'il n'était pas au courant, mais, après il s'est révélé qu'il était bien au courant. C'est encore arrivé la semaine dernière. Il est allé s'excuser devant le Parlement. Trois fois de suite, il a menti. Il y a eu aussi l'histoire des réfugiés illégaux qui devaient renvoyer au Rwanda, sans procès. L'avion a été annulé juste avant le départ par la Cour Suprême. Ce n'était pas populaire en Angleterre, c'est une violation des Droits de l'homme. Tout ça se cumule avec sa performance un peu erratique. Il y a eu deux ministres importants qui ont démissionné notamment celui de la Santé et de l'Échiquier (Finances). Suite à un vote de défiance, il a perdu 41 % des députés conservateur, c'est plus que Theresa May quand elle a démissionné. 

 

Qui pour succéder à Boris Johnson ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Qui peut lui succéder ? 

 

D'abord, il y a un procédé à l'intérieur du parti des Conservateurs (Tories) où les députés voteront successivement jusqu'à que deux candidats restent. Puis ça sera mis au vote auprès des membres du parti conservateur du pays. Ça sera sûrement pendant l'été donc on aura un Premier ministre en septembre. Pour lui succéder, je pense que Liz Truss (ministre des Affaires Etrangères) a plus de chance de maintenir cette ligne dure. C'est elle qui était derrière la législation pour réécrire le traité du Brexit. C'était une inconnue avant d'être nommée. Elle a une personnalité très tranchée, elle a mené la diplomatie sur la guerre en Ukraine. Elle est assez populaire dans le parti conservateur. Rishi Sunak (NDLR : ministre de l'Échiquier qui a démissionné), était le favori pour succéder à Johnson, jusqu'à l'année dernière. Seulement, maintenant, il a fait augmenter les charges sociales en avril, en pleine crise de pouvoir d'achat. Et sa femme, une indienne milliardaire, il s'est révélé qu'elle ne payait presque pas d'impôt en Angleterre, donc ses compétences ont été remises en cause et il a baissé dans les sondages.

 

Ça veut dire que les principaux candidats resteront sur la ligne dure du Brexit ?

 

C'est pas clair parce que le Brexit est un fait un accompli, seulement l'histoire de rouvrir un chapitre en ce qui concerne l'Irlande du Nord, ça dépend du Parlement où les Conservateurs ont la majorité. Après, il y a des candidats potentiels comme Jeremy Hunt (NDRL : ancien ministre des Affaires Etrangères). C'est pas un anti-brexiter, mais il est pour un Brexit beaucoup moins dur. Il y a aussi des Brexiters très intelligent comme Michael Gove qui était ministre du Brexit ou encore Dominic Raab qui a mené les négociations avec l'Europe. 

 

 

Le futur Premier ministre devra affronter la crise économique selon Keith Bloomfield
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Dans quel contexte arrivera le futur Premier ministre ? 

 

C'est crise après crise. Le coût de la vie (NDLR : inflation) est prévu à 11 % ce mois-ci. Le gouvernement a empiré l'effet économique du covid et de la guerre en Ukraine avec le Brexit. Selon un Comité, très pris au sérieux au Royaume-Uni, c'est une perte de 4 % du PNB à cause du Brexit qui est prévu sur le long terme. Surtout les PME, les petits commerçants qui souffrent du Brexit et qui n'exportent plus vers le continent. Ils se retrouvent devant une paperasse incroyable, des coûts supplémentaires. Et de l'autre côté de la Manche, beaucoup d'exportateurs européens trouvent la même chose, mais eux ont d'autres marchés dans le reste de l'Union européenne, la Grande-Bretagne n'en a pas. Je pense que le sujet numéro un de préoccupation, c'est l'économie, c'est le coût de la vie. C'est épouvantable, pire qu'en France.