Salon de l'agriculture. "Partir à la retraite et céder son exploitation, c'est une période difficile pour les agriculteurs"

La Communauté de communes des Vallées du Haut-Anjou est territoire pilote d'un travail sur la transmission des exploitations. Un groupe de travail avec des agriculteurs qui partent à la retraite a été lancé.

3 mars 2023 à 8h26 par Alexis Vellayoudom

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Denis et Pierre-Marie Colineau ont investi pour mieux céder leur exploitation
Crédit : Alexis Vellayoudom

Céder son exploitation, c'est toujours une étape difficile pour la majorité des agriculteurs, tant sur le plan émotionnel que sur le plan de la recherche. À l'occasion de Salon de l'agriculture, nous avons rencontré des éleveurs prêts à partir en retraite et d'autres à l'initiative de projets innovants. C'est le cas par exemple dans les Vallées du Haut-Anjou, où des futurs agriculteurs à la retraite ont lancé un groupe pour s'aider mutuellement dans la recherche de repreneur. 

 

Un soutien psychologique 

 

D'ici à 2034, la moitié des agriculteurs sera en âge de partir à la retraite, mais la question de la reprise se pose. Pour enrayer ce phénomène, la Région a lancé "Transmission agriculture". En Maine-et-Loire, c'est le territoire des Vallées du Haut-Anjou qui est piloté, "on veut par exemple créer une plateforme pour recenser toutes les fermes disponibles. Après, on aura des podcasts pour valoriser la parole des cédants et leur donner de la visibilité. On va créer un support de conseil pour l'adaptabilité des fermes", explique Simon Galland, conseiller territoire à la Chambre d'Agriculture des Pays de la Loire.

 

L'aspect psychologique d'un agriculteur qui cède son exploitation
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Parmi les actions, la mise en place d'un groupe de cédants. La semaine dernière, 18 agriculteurs de ce territoire se sont réunis au Lion d'Angers. Ils participaient à la première réunion. Pendant plusieurs mois, ils vont être aidés et accompagner pour pouvoir transmettre leurs exploitations à la future génération, "c'est quand même une période assez compliqué pour beaucoup d'agriculteurs. Faut comprendre que le métier d'agriculteur, c'est un métier passion qui prend du temps et la perspective d'arrêter ça, pour certains, c'est violent. L'idée, c'est de passer ce cap collectivement pour réduire la violence. C'est aussi se dire que c'est pas parce que j'arrête la ferme que j'arrête tout, c'est comment je me projette. C'est des démarches assez longues et c'est aussi l'idée de les amener à anticiper parce que quand c'est fait au dernier moment, c'est encore plus violent", confie Simon. Ce groupe va notamment pouvoir faire visiter leurs fermes à des porteurs de projets, étudier les différentes méthodes pour évaluer son exploitation ou encore avoir des témoignages de transmissions réussies. 

 

"On s'est dit, si on n'investit pas, demain l'élevage disparaîtra de l'exploitation"

 

Et parmi ces témoignages, il pourrait avoir celui de Denis et Pierre-Marie Colineau. Les frangins gèrent le GAEC des Emeraudes, à la Martellière sur la commune de La Pouëze où ils élèvent 55 vaches laitières et produisent des céréales, mais ils s'apprêtent à passer le flambeau, l'un part en 2024, l'autre en 2026, et aucun enfant ne reprend, "on pouvait partir en vendant tout et on aurait touché plus d'argent que si on transmettait, mais on veut vraiment céder l'exploitation à des jeunes", confie Denis. Alors compliqué, stressant ? Denis et son frère veulent positiver : "c'est un problème, si on ne s'en occupe pas et qu'on ne prévoit pas les choses. La transmission faut la programmer au moins 5 ans avant, pour tous les aspects économiques de fin de carrière et après deux à trois années avant, pour dire, on recherche un candidat et on chiffre ce qu'on veut transmettre, comment et dans quelles situations, on laisse l'exploitation pour que le jeune puisse en vivre". 

 

Il faut s'y prendre tôt selon Denis Colineau
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Pour ça, les frères Colineau ont misé sur l'investissement pour augmenter la valeur de leur exploitation et l'attrait, "en 2018, on a décidé de monter un robot de traite, parce qu'on avait une installation vétuste. On s'est dit, si on fait pas ça, demain l'élevage disparaîtra de l'exploitation. Aujourd'hui, on est les premiers à en bénéficier. Depuis 5 ans, le travail a énormément diminué et la performance a augmenté. On a un sacré confort de travail ce qui fait qu'on est quasiment en pré-retraite et on a un outil performant qui sera viable pour un jeune qui s'installera", raconte Denis.

 

Denis et Pierre-Marie Colineau ont investi dans un robot
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Depuis 2016, les frères se sont aussi mis à l'agriculture de conservation des sols, "nos cultures sont implantés sans travail du sol ce qui réduit pas mal de charge et nous laisse un sol assez résiliant à tous les problèmes climatiques. Par exemple, à la dernière sécheresse, notre blé a été moins touché. C'est un plus parce qu'on commence à se rendre compte qu'il y a des jeunes qui s'intéressent à ces techniques par rapport notamment aux problèmes climatiques", explique le plus jeune des frères. Les frangins ont déjà reçu plusieurs jeunes intéressés.