À La Bazouge de Chémeré, un trésor abandonné va revivre grâce au Loto du Patrimoine

Le théâtre Giuseppe Tribus de La Bazouge de Chémeré (Mayenne), a été retenu pour le loto du patrimoine. Un monument méconnu, caché, qui va pouvoir revivre.

14 septembre 2022 à 18h22 - Modifié : 15 septembre 2022 à 6h16 par Cyprien Legeay

Le théâtre peint par Giuseppe Tribus en 1942 a été sélectionné par le loto du patrimoine.
Le théâtre peint par Giuseppe Tribus en 1942 a été sélectionné par le loto du patrimoine.
Crédit : Cyprien Legeay/Oxygène Radio

Dans un village d'à peine 600 âmes, c'est un événement. A La Bazouge de Chémeré, commune situé à 20 minutes de Laval, la fondation Bern a décidé de retenir le théâtre Giuseppe Tribus comme seul monument à restaurer dans le département. C'est donc ce théâtre, situé à l'étage de l'école Sacré-Cœur, qui a attiré l'attention. Il fait partie des nombreux trésors cachés de la Mayenne, un trésor que certains ne soupçonnaient même pas au-dessus de leurs têtes. En effet, les écoliers ont été surpris d'apprendre, par la voix de leur maitresse, qu'au-dessus de leurs bureaux se dressaient un théâtre aux volumes incroyables.

Ce théâtre a une véritable histoire. Aménagé en 1925 par l'abbé Victor Polas, le curée du village, beaucoup de jeunes vont pouvoir en profiter. Il est à l'étage de l'ancien Hôtel de la Croix, légué à l'église par ses propriétaires auparavant, et isera décoré quelques dizaines d'années plus tard en plein Seconde Guerre mondiale par Giuseppe Tribus. Cet artiste italo-autrichien atterrira par hasard à La Bazouge de Chémeré. Alors évadé du service de travail obligatoire (STO), il est protégé et caché par les habitants. "Lorsque des soldats allemands approchaient, il se cachait dans la petite trappe du souffleur, dans le théâtre", détaille Emmanuelle Kovacic, directrice de l'école et porteuse du projet pour la Fondation du Patrimoine.

Une petite visite du théâtre de La Bazouge de Chémeré

Afin de remercier la commune, il peindra, durant des mois, les murs du théâtre. En 1947, au Bourgneuf-la-Forêt, une salle de spectacles paroissiales se construisait et réclamait les talents de Tribus. Pour faire ses adieux, l'artiste monta une pièce qui racontait ses guerres. Un témoin raconte qu'il voulait une troupe de soldat sur scène mais il n'avait qu'un seul fusil.... Alors, pour faire au mieux, chaque acteur entrait avec le fusil à la main, qui circulait rapidement derrière le décor pour que l'acteur suivant s'en saisisse. Ce jour-là, les jeunes ont offert la recette à Giuseppe Tribus pour le remercier. "Je pense que c'est en gratitude qu'il a peint ce théâtre et fait d'autres travaux. Il a fait d'autres œuvres, des tableaux notamment, comme dans la salle du conseil municipal", explique Emmanuelle Kovacic.

Les murs ont été peints par l'artiste italo-autrichien.

Au décès de l'abbé Polas en 1944, l'abbé Eugène Bondis, venu de Saint Georges le Fléchard, deviendra curé de la Bazouge-de-Chemeré. Passionné de théâtre, il monta des pièces dont Giuseppe Tribus peignait les décors. L'artiste lui prodiguait aussi des conseils de mise en scène et proposa même au curé de prendre un jeune comme acteur.

 

Du théâtre aux projections de films

 

Même après son départ, le théâtre continuera de vivre, richement décoré cette fois. L'abbé Bondis avait une moto et était passionné de cinéma. Il allait dans tout le canton chercher les bobines de film puis, dans certains villages, formait des projectionnistes. Mais c'est lui qui projetait le film dans la belle salle de la Bazouge-de-Chemeré. L'histoire raconte qu'il ralentissait le compteur d'électricité pour économiser le courant. Un jour, il se fit prendre et traita les gens de la compagnie d'électricité de communistes. Grâce à lui, aux troupes de théâtres, aux habitants, la salle de spectacle était utilisée fréquemment et constituait un précieux patrimoine pour le village. Jusqu'en 1973, année où sera promulgué le décret n° 73-1007 du 31 octobre 1973 relatif à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public.

Aujourd'hui, le théâtre sert de débarras pour l'école.
Aujourd'hui, le théâtre sert de débarras pour l'école.
Crédit : Cyprien Legeay/Oxygène Radio

Dans quelques mois, une fois les travaux réalisés, les élèves pourront de nouveau monter sur les planches pour leur projet éducatif, les Bazougéens revenir dans un lieu historique, et surtout, l'œuvre de Giussepe Tribus revivre, 50 ans après sa fermeture en 1973. L’école ne connait pas encore l’enveloppe qui lui sera attribuée, "tout dépendra des gains récoltés par le loto du patrimoine". Ce qui est déjà acté, c'est que la rénovation du théâtre décoré par le peintre Giuseppe Tribus "coutera 300 à 400 mille euros et commencera l’année prochaine."