Pays de la Loire. Le "cidre à la française", menacé par un projet européen, fait face aussi à la problématique de l'eau

Les Cidres de Loire travaille sur la problématique de l'eau et des fortes chaleurs qui ont impacté la production de pommes à cidre de moins 15 à 18 %. L'association lutte aussi pour défendre le cidre français 100 % jus de pomme auprès de la Commission européenne.

14 décembre 2023 à 12h15 par Alexis Vellayoudom

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Denis Rouland, président des Cidres de Loire et co-gérant de la Ferme du Theil à Andouillé
Crédit : Alexis Vellayoudom

La sécheresse a eu raison des pommes à cidre en 2023. Moins 15 à 18 % de pommes à cidre pour les producteurs des Cidres de Loire, l'association qui représente l'ensemble de la filière cidricole des Pays de la Loire, soit un verger de 1 200 ha, le troisième plus grand verger de France (ndlr : après la Normandie et la Bretagne, mais les Pays de la Loire produisent plus à l'hectare). Malgré, les 32 000 tonnes de pommes, contre 36 000 l'année dernière, la qualité reste au rendez-vous, mais les producteurs doivent s'adapter. 

 

Face à la sécheresse : progrès technologique et variétés mises de côté

 

"En septembre et en octobre, les pommes étaient marquées au fer rouge", lâche Denis Rouland, président des Cidres de Loire. "Il y a eu des bons rendements en jus, mais c'est vrai que les fruits ont fait défaut cette année. Mais on a quand même des jus très riches, peut-être avec des nez un peu plus discret, mais beaucoup plus subtils", poursuit Denis. Des pommes plus petites, mais un côté sucré renforcé au détriment de l'acidité provoqués par des températures chaudes qui se sont prolongées jusqu'au début de l'automne et l'absence de pluie, "sur une moyenne, une année, on a toujours la même pluviométrie, sauf qu'elle est mal répartie. Là, on a des périodes un peu stressantes en été, où on peut avoir des grosses températures et peu d'eau donc l'arbre est en souffrance avec des fleuraisons difficiles. Du coup, la récolte en pâtit", détaille le co-gérant de la Ferme du Theil à Andouillé, en Mayenne.

 

La problématique de l'eau pour les producteurs de cidre ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Pour faire face, l'IFPC, l'Institut français des productions cidricoles, mène des recherches sur l'irrigation. Le goutte-à-goutte se développe, mais aussi les rampes suintantes, entérrées dans le sol. "Elles nous permettent d'assurer une récolte régulière avec pour objectif de donner les moyens aux producteurs de déclencher l'irrigation au bon moment avec des sondes et l'autre objectif, c'est de diminuer les apports en eau et d'avoir des apports le plus juste possible", décrit Denis. Pour le moment, en Pays de la Loire, seulement 1/3 du verger est irrigué. Les pommes cidricoles consomment d'ailleurs moins d'eau que les pommes de table, mais l'association des Cidres de Loire envisage d'adapter les variétés pour faire du cidre, "soit par du surgreffage ou de la création de nouvelles plantations avec des variétés moins sensibles au stress hydrique. On pourrait avoir des variétés, notamment les plus précoces, qui ne seraient plus plantées", se résout le président. C'est le cas des Kermerriens, les Fréquins rouges ou la Douce Coët Ligné. 

 

Vent debout contre l'harmonisation du cidre dans l'UE

 

Dans les couloirs du Parlement européen, un autre combat se prépare pour les Cidres de Loire. La Commission européenne envisage d'harmoniser l'appellation "cidre" pour tous les pays de l'UE. En clair, on appellerait "cidre", tout ce qui est produit avec au moins 50 % de pommes. "C'est une source d'inquiétude pour la filière française. On n'a pas, au départ, les mêmes règles du jeu. On veut harmoniser deux produits différents, les cidres à la française avec 100 % de jus de pomme issu de la fermentation et les ciders à base de concentré, avec peu de jus, de l'eau, du sucre et des arômes", s'agace Denis Rouland. C'est le cas notamment en Irlande, où le cider ne contient que 10 % de jus de pomme, 16 % en Suède et 20 % en Angleterre. Les producteurs des Cidres de Loire craignent de voir arriver en rayon des ciders étrangers, avec l'appellation "cidre", bien moins cher et de moins bonne qualité. "Du coup, on aura sur le marché des produits complètement différents, des produits à base de pommes, d'eau et de sucres, et des cidres français avec du pur jus du pomme", martèle le président. 

 

 

Une inquiétude d'autant plus grande alors que la consommation de cidre français est en berne, -4 %, mais vous le payez plus cher, puisque son prix a augmenté de 1 à 2 %, "le cidre de table se casse la gueule, ça explique la diminution, et le cidre produit, est de meilleure qualité d'où l'augmentation. Après, c'est pas pour autant que cette valorisation des prix n'a pas couvert l'augmentation des matières premières. Les matières sèches ont pris 2 %, +30 % en deux ans pour le prix des bouteilles et le coût des bouchons en liège et en agglomérat a été multiplié par deux", explique Laurent Guillet, directeur commercial de Kérisac. Actuellement, en France, le cidre représente 240 millions d'euros de chiffres d'affaires, c'est beaucoup plus que le jus de pomme, 110 millions d'euros, mais la tendance pourrait s'inverser. Les Français consomment chaque année davantage de jus de pomme. 

 

Levée de boucliers des Cidres de Loire contre le projet de la Commission européenne
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

"On doit segmenter le marché, rajeunir l'image du cidre. On le fait avec notre concept de Cidricole Vallée en développant des cidres aromatisés, des recettes gastronomiques", précise le transformateur de pommes. Qui sait, dans quelques années, le cidre pourrait remplacer le Spritz et devenir la nouvelle boisson tendance de l'apéritif.