Maine et LoireMayenne

Santé. Les internes en médecine d'Angers appelés à la grève contre la proposition de loi du Mayennais Guillaume Garot

Alors que l'Assemblée nationale doit poursuivre l'examen de la proposition de loi du Mayennais Guillaume Garot (PS) sur les déserts médicaux, le syndicat des internes de médecine générale d'Angers appelle à une grève contre la régulation de l'installation des médecins déjà adoptée.

Publié : 25 avril 2025 à 11h35 - Modifié : 25 avril 2025 à 11h40 Alexis Vellayoudom

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Crédit : twenty20photos

C'est une mobilisation massive de la médecine générale. Alors qu'à partir de lundi, l'Assemblée nationale doit poursuivre l'examen de la proposition de loi sur les déserts médicaux, portée par les deux députés mayennais Guillaume Garot (PS) et Yannick Favennec (Liot), les syndicats de médecins généralistes appellent à faire grève pour s'opposer notamment à l'article 1 sur la régulation de l'installation des médecins, déjà adoptée et qui pourrait entrer en vigueur si l'ensemble du texte est validé par les députés. Ils sont rejoints par les internes en médecine générale, eux aussi appelés à une grève illimitée. Entretien avec Victor Larsonnier, interne de médecine générale aux urgences de l'hôpital de Château-Gontier et représentant du syndicat des Internes de médecine générale de la subdivision d'Angers qui rassemble 300 internes répartis sur l'Anjou, la Mayenne et la Sarthe. 

 

Victor Larsonnier, depuis plusieurs semaines les médecins généralistes s'expriment pour s'opposer à cette proposition de loi. L'article 1 sur la régulation de l'installation des médecins qui est au cœur des tensions a été adopté par l'Assemblée nationale il y a maintenant deux semaines. Pourquoi les internes n'entrent dans la danse que maintenant ? 

 

"Ce n'est pas la première mobilisation. Par le passé, il y a déjà eu des mobilisations de la part des internes et des étudiants en médecin contre la coercition, la régulation de l'installation. Aujourd'hui, c'est la première fois où cette loi risque d'être adoptée, alors même que toute la profession médicale s'oppose très largement, car on est convaincu que ce n'est pas la solution. On a décidé de se mobiliser massivement pour porter nos propositions et défendre notre liberté d'installation."

 

Dans cet article 1 sur l'installation de la régulation, qu'est-ce qui vous pose problème ? 

 

"C'est que premièrement, cet article permettra à l'Agence régionale de Santé d'empêcher l'installation de tout nouveau médecin dans les zones considérées comme dotées normalement. Pour pouvoir s'installer dans ces zones, il faudra compenser un départ à la retraite. Et pourtant, il y a des zones considérées comme dotées normalement, mais qui ne sont pas surdotées, il n'y a pas trop de médecins, où on ne pourra plus voir l'installation de nouveaux médecins généralises. C'est le cas à Angers et sa couronne. Il y a un indicateur qui va être créé et qui sera réévalué tous les ans donc les possibilités d'installation varieront d'une année à l'autre. De notre côté, on est convaincu que le problème, ce n'est pas tant la répartition des médecins sur le territoire, mais c'est le nombre. On n'est tout simplement pas assez nombreux donc on aura beau nous contraindre de nous installer dans certains endroits, étant donné que 87 % du territoire est un désert médical, ça ne changera pas le problème."

 

Vous estimez que cette contrainte peut avoir des conséquences sur l'attractivité du métier ? 

 

"Bien évidemment, la contrainte est une grave erreur. Elle va nuire à l'attractivité de la médecine générale et libérale, car toutes les spécialistés sont concernées. Un interne en médecine termine son cursus, en moyenne, entre 28 et 30 ans donc au moment où son chemin de vie est bien avancé. Il peut avoir des projets de vie personnels en fonction de son conjoint, peut-être même avoir des enfants et donc déjà s'être installé dans un territoire pendant ses études et imaginer qu'il ne pourra pas installer son activité libérale au plus près de chez lui, c'est inimaginable pour des jeunes médecins qui ont déjà fait énormément de sacrifices. C'est 10 ans d'études qui ne sont pas toujours simples. Pendant l'internat, on change déjà tous les six mois de lieux de stage et parfois de département.

 

Pourquoi les internes s'opposent à la régulation de l'installation des médecins ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Nous rajouter une contrainte à l'installation, c'est une mauvaise idée et ça peut entraîner une fuite vers d'autres pays ou simplement retarder des installations dans des territoires. Aujourd'hui, on sent que la crainte est vive de ne pas savoir où ils pourront s'installer plus tard. D'autant qu'on est déjà dans une formation qu'est réformée en permanence. Sur nos promotions, on n'était pas conscient du risque de voir passer cette mesure, mais si elle passe, il y a un risque que la médecine générale soit beaucoup moins prisée."

 

L'argument des députés mayennais qui portent cette proposition de loi, c'est de dire : "C'est une solution qu'on n'a jamais testée". Vous, une fois que vous avez dit que vous êtes opposés, quelles sont les alternatives pour améliorer l'accès aux soins ? 

 

"On n'est pas simplement là pour dire qu'on est contre. On a des propositions, car on est conscient des difficultés. Elle est majeure, en Mayenne, c'est le cas. Je suis en stage aux urgences de Château-Gontier donc tous les jours, je me rends compte de cette problématique d'accès aux soins. Nous ce qu'on souhaite, c'est que tout au long de notre formation, on soit inciter à aller découvrir les territoires, d'aller en stage partout. Alors c'est déjà quasiment le cas avec la faculté de médecine d'Angers, mais on demande aussi que ces stages soient accompagnés financièrement. Quand on va en stage dans le Nord de la Mayenne alors qu'on habite à Angers, ça entraîne des frais de transport. Aujourd'hui, l'indemnité est de 130 € bruts, peu importe la distance. C'est extrêmement faible. On demande aussi à ce que les internes en stage chez des praticiens en Mayenne ou en Sarthe puissent avoir accès à des logements pour effectuer leurs stages. Le Conseil départemental de la Mayenne est extrêmement pro-actif sur la question des internes. Il nous aide financièrement, mais il pallie au manque de l'Etat dans son rôle de favoriser l'accès aux soins à nos concitoyens."

 

Quelles alternatives à la régulation de l'installation des médecins ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Est-ce que soutenir le cursus des internes, de leur permettre d'aller plus facilement dans des territoires ruraux, ça va véritablement les inciter à vouloir rester ou revenir ? 

 

"Selon les études, ce qui conditionne l'installation d'un médecin, ça se résume à deux grands piliers. Le premier, c'est qu'en général, on a tendance à aller exercer dans un territoire qu'on connaît, potentiellement dans lequel on a grandi. L'enjeu, c'est de maintenir, tout au long de notre cursus, un lien entre notre territoire d'origine et notre faculté de rattachement parce que quand on veut faire des études de médecine, il faut forcément aller dans une grande ville et donc c'est bien évidemment le développement d'antennes universitaires au plus près des territoires. Ça existe déjà dans la région avec une première année de médecine à Laval et au Mans qui permet à l'étudiant de rester au plus proche de chez lui dans sa première année de médecin. Et le deuxième pilier de l'installation, c'est qu'en général, on va s'installer dans des territoires qu'on a eu l'occasion de découvrir et dans lequel on a tissé des liens avec d'autres professionnels, donc c'est en allant en stage dans ces territoires que potentiellement, on pourra déclencher l'envie de s'y installer plus tard."

 

Il n'y a que cet article 1 auquel vous êtes opposés ? 

 

"Sur l'obligation de la permanence des soins, les internes restent mitigés. On estime que la rendre obligatoire ce n'est pas la solution, mais plutôt nous inciter financièrement à y participer. On demande à pouvoir y participer sur la base du volontariat lors de notre quatrième année de médecine générale qui vient d'être ajoutée. Et puis sur cette proposition de loi, au-delà des quatre articles, il y a de nombreux amendements qui risquent d'être déposés, notamment un qui consisterait à empêcher un médecin de cumuler plus de quatre années d'exercice au titre de remplacement en libéral. Ce n'est pas une bonne idée, car certains jeunes médecins peuvent choisir ce mode d'exercice. Ça peut correspondre à un projet de vie, si on imagine qu'on a un conjoint qui peut être muté tous les 3 ans. Pourquoi aller s'installer tous les 3 ans dans un territoire et ne pas pouvoir remplacer de manière illimitée. Un médecin qui remplace, c'est un médecin qui travaille et qui voit des patients.

 

 

Pourquoi est-ce qu'on essaye toujours de nous mettre des contraintes, de réguler notre profession qui est libérale alors qu'on est l'une des professions la mieux répartie sur le territoire ? Et encore une fois le problème, c'est vraiment le nombre. Aujourd'hui, on forme plus de médecins qu'il y a quarante ans, mais pour former un jeune médecin, il faut 10 ans. La véritable problématique, c'est qu'on est obligé d'attente et qu'il faut trouver des solutions palliatives, mais il n'y aura pas de solution miracle et encore moins la coercition."

 

Cette grève illimitée pourrait entraîner l'annulation de consultations dans les cabinets de médecine générale. Pour les hôpitaux, le fonctionnement risque d'être impacté avec l'absence de plusieurs internes. En parallèle, le syndicat donne rendez-vous à tous les internes le mardi 29 avril devant le CHU de Nantes.