Maine et Loire

Cholet. Procès du feu d'artifice mortel : « Je ne considère pas que nos dysfonctionnements soient à l'origine du drame », défend le maire Gilles Bourdouleix

Au 4e jour du procès du feu d'artifice mortel à Cholet du 14 juillet 2022, les juges ont interrogé le maire Gilles Bourdouleix. Objectif, déterminer sa responsabilité dans les dysfonctionnements sécuritaires et hiérarchiques qui ont coûté la vie aux enfants Mandote.

Publié : 20 novembre 2025 à 14h42 - Modifié : 20 novembre 2025 à 14h52 Alexis Vellayoudom

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Le maire de Cholet Gilles Bourdouleix est allé à la barre ce matin
Crédit : Alexis Vellayoudom

Le maire de Cholet a-t-il une responsabilité dans le drame du feu d'artifice du 14 juillet 2022 qui a entraîné la mort de Gabriel (7 ans) et Meggy (24 ans) Mandote ? C'est l'une des interrogations qu'a tenté de soulever le tribunal correctionnel d'Angers ce jeudi matin. Gilles Bourdouleix fait partie des six prévenus jugés depuis le lundi 17 novembre pour homicides et blessures involontaires. 

 

« À aucun moment, je ne peux reprocher aux personnes d'avoir été là »

 

Dans son costume bleu marine, le maire de Cholet s'est avancé à la barre. Calme, l'édile a d'abord tenu à apporter son soutien aux victimes. « Je passe une à deux fois devant le parc de la Moine. Je vais régulièrement me recueillir devant la stèle. Il n'y pas une fois où je n'y pense pas », confie l'élu. Puis, le président de la cour Lionel Ascensi le ramène à la réalité, notamment des propos prononcés au lendemain du drame sur la chaîne M6. « Ils auraient mieux fait d'être plus loin, s'ils avaient compris qu'ils étaient à moins de 150 mètres. » Une phrase qui a choqué la famille des victimes. Gilles Bourdouleix s'en est défendu. « Je n'ai pas dormi, je sors d'une réunion avec mon directeur général pour comprendre ce qu'il s'était passé. À aucun moment, je ne peux reprocher aux personnes d'avoir été là, sauf ceux qui avaient été averti que c'était dangereux, mais ce n'est pas le cas des victimes présentes. Ils avaient le droit d'être là, seul un arrêté aurait pu leur interdire d'être là, un arrêté qui nous aurait été demandé de prendre. »

 

Des arrêtés mal rédigés

 

Ce sujet des arrêtés va d'ailleurs monopoliser le débat. Le soir du drame, deux sont pris, un pour la voirie, l'autre pour les parties prenantes. Mais aucun interdit la présence des spectateurs dans cette zone d'exclusion de 150 mètres. « Comment expliquez-vous que ces arrêtés ont été pris sans aucune réflexion, alors que vous êtes chef de la police municipale, garant de la sécurité publique, aucune disposition relative aux piétons et au périmètre de sécurité ? », s'interroge le président. « Il n'y pas eu d'interrogation sur la circulation des piétons. Ni de la part des organisateurs, ni de l'artificier », répond le maire.

 

Plus tard dans les débats, le président du tribunal reviendra sur cette question. Il soulève un arrêté édité le même jour par la commune de Bellevigne-en-Layon (5 000 habitants). « Comment expliquez-vous que Cholet, produise des arrêtés sans un mot pour la sécurité de ces gens-là ? Et que cette commune produit un arrêté plus protecteur que la ville de Cholet ? », demande Lion Ascensi. « Les arrêtés ont été mal faits, ils sont mauvais, rédigés par des personnes qui ne sont pas censées les faire. Mais pour autant, je ne considère pas que c'est parce que ces arrêtés sont mauvais qu'il y ait eu drame. Et à aucun moment, nous avons une demande des organisateurs », insiste Gilles Bourdouleix. Le président lui rappelle que le code général du service public lui incombe de veiller à la sécurité de ses citoyens. 

 

Qui commandait la police municipale ? 

 

L'autre interrogation, c'est la chaîne hiérarchique au sein de la mairie de Cholet. Ce soir-là, aucun briefing sur la sécurisation et le plan d'exclusion n'est organisé par la police municipale. À l'époque, l'administration choletaise est en plein changement, les fonctionnaires, désignés comme supérieurs hiérarchiques de la police municipale ne sont plus là. Demeure seulement, Patrice Brault, adjoint au maire, en charge de la sécurité avec une délégation de pouvoir, et lui aussi prévenu dans cette affaire. La veille, son interrogatoire avait stupéfait l'audience. « Il est comparable à un ministre de l'Intérieur qui n'a pas compris qu'il avait autorité sur ses préfets, rappelle le président. Monsieur Brault voulait éviter l'ingérence et laissait la gestion à son directeur de service. D'ailleurs, au sein des services de gendarmerie et de police municipale, c'est l'un des moins connus » .

 

Le lendemain du drame, il n'a d'ailleurs pas été convié à la réunion informelle du 15 juillet. « On a tendance à l'oublier en matière de sécurité », souligne le juge. Avait-il les compétences pour ce poste ? « Il a une compétence en politique territoriale. Autorité ne veut pas dire gérance sur un service », rétorque le maire de Cholet. 

 

D'autres maillons de la chaîne dysfonctionnent selon les juges. Par exemple, le chef de la police municipale, qui sort d'une période difficile, « a des limites de management administratif. En revanche, il a des compétences opérationnelles sur le terrain sur l'organisation de manifestation importante », juge le maire. « Il n'y a plus de hiérarchie pour commander la police municipale, pensez-vous cela opportun alors que la commune va organiser un  feu d'artifice, considéré comme une action dangereuse ?, souligne Lionel Ascensi. Le seul qui était propre à exercer le contrôle sur la police municipale et l'événement, le seul, c'est monsieur Brault, qui n'a pas compris qu'il entrait dans sa compétence de superviser la police municipale ».

 

« Une place trop lourde pour un seul homme »

 

En réalité, l'homme sécurité à la mairie de Cholet, c'est Jean-Michel Jeanneteau. Le vice-président de Cholet Événements et directeur du Centre technique municipal est aussi sur le banc des accusés. Considéré de manière incontestable comme « quelqu'un qui consacre tout son temps à la municipalité », il avait « son mot à dire », selon plusieurs témoignages. Le soir même, il donnait d'ailleurs des ordres radios à la police municipale. « Son service est en lien avec la police municipale, il est forcément en contact permanent avec les forces de sécurité », justifie Gilles Bourdouleix.

Mais le juge s'interroge sur le trop grand nombre de casquettes que porte le futur retraité : présent aux réunions sécurité à la sous-préfecture, lien avec la police municipale, les services techniques. « Une place trop lourde pour un seul homme. Quel contrôle aviez-vous sur ce que faisait monsieur Jeanneteau ? », pose le juge. « Si le Directeur général avait considéré que des choses n'allaient pas, il aurait demandé au maire. J'entends qu'on peut me reprocher d'avoir laissé à monsieur Jeanneteau trop de casquettes associatives, municipales, mais je ne suis pas convaincu qu'il y ait un rapport avec le drame », répond le maire. 

 

« Je considère que la collectivité a fait ce qu'on lui a demandé »

 

Tout au long du débat, Gilles Bourdouleix va d'ailleurs s'interroger sur l'absence d'acteurs qu'il estime fautifs. « Je veux bien qu'on reproche tout aux élus, mais le sous-préfet de Cholet était en vacances à Rennes, nous on est que des bénévoles », argument-il. Puis, il pointe du doigt l'éventuelle responsabilité de la police nationale en ronde ce soir-là. « Je veux bien admettre que le contrôle de la sous-préfecture n'a pas été assez approfondi, mais c'est monsieur Brault qui a signé un arrêté d'autorisation de tir », précise le juge. 

 

Ce dernier rappelle : « On a une opération de police municipale, gravement défaillante dans son élaboration, un non-respect du process dans l'élaboration des deux arrêtés municipaux et une interrogation sur la compétence de monsieur Brault. La mairie a t-elle fait une faute ? » Gilles Bourdouleix prend le temps de la réflexion avant de s'exprimer. « Je ne considérais pas que ces dysfonctionnements soient à l'origine du drame. J'entends le problème sur les arrêtés. Je considère que la collectivité a fait ce qu'on lui a demandé. Les personnes sollicitées étaient là. D'un point vu de l'action demandée à la ville Cholet, je considère qu'on a répondu aux demandes. Après, du point de vue moral, j'aurai, toute ma vie, la responsabilité d'avoir voulu ce feu d'artifice. »

 

En conclusion, le procureur de la République le met face à ses responsabilités : « Le lendemain du drame, vous aviez dit, il y a un "pourquoi » auquel on ne pourra jamais répondre. Après 4 jours de débats, peut-on répondre au "pourquoi » ? » Sans le regarder, le maire admet : « Il y a un enchaînement de fautes des uns et des autres, plus ou moins déterminantes qui amènent ce drame ». Le débat étant terminé, les plaidoiries des parties civiles vont pouvoir débuter cet après-midi. Les réquisitions du procureur devraient avoir lieu vendredi, tout comme les plaidoiries de la défense.