Loi Immigration. Sans les médecins étrangers "notre dispositif s'effondre", le directeur de l'hôpital de Château-Gontier

Adopté cet après-midi par le Sénat le Projet de Loi Immigration comportait un article sur le statut des PADHUE, les praticiens étrangers à diplôme hors Union européenne, pour faciliter leur exercice en France. Un texte encore trop restrictif pour Eric-Alban Giroux, directeur de l'hôpital du Haut-Anjou.

14 novembre 2023 à 16h10 - Modifié : 14 novembre 2023 à 16h21 par Alexis Vellayoudom

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Eric-Alban Giroux a pris les rênes du Centre hospitalier du Haut-Anjou
Crédit : Alexis Vellayoudom

L'hôpital de Château-Gontier a suivi de très près les débats au Sénat autour du Projet de Loi Immigration. Plus précisément, l'article 7 qui prévoit d'améliorer le statut des PADHUE, les praticiens étrangers à diplôme hors Union européenne, pour faciliter leur exercice en France. Échange avec Eric-Alban Giroux, directeur du centre hospitalier du Haut-Anjou où bon nombre de PADHUES ont fait leurs preuves. 

 

Eric-Alban Giroux, la semaine dernière, le Sénat a examiné le Projet de Loi Immigration. L'article 7 sur les PADHUE doit simplifier la venue en France de ces médecins étrangers. Vous y trouvez votre compte ? 

 

"Ce texte de loi améliore l'actuelle condition de nos PADHUES, là, tout de suite. Maintenant, quand on regarde au travers des nombreuses années, ça a plutôt eu tendance à restreindre l'arrivée des médecins étrangers. Je crois qu'il faut que tout le monde en France soit profondément conscient et prenne réellement conscience que notre système sanitaire français, ne tient à la hauteur de qualité et de réponse aux populations qu'on a, et qui se restreint aujourd'hui, mais ne tient qu'à nos praticiens étrangers. Vous les enlevez, notre dispositif s'effondre. Il est déjà fragile, mais très clairement, sans l'apport de cette médecine réalisée par des médecins étrangers, à diplôme hors Union européenne, notre système sanitaire s'effondre. À Château-Gontier, on a quelques "poches" de médecins étrangers et notamment brésilienne. Une communauté brésilienne qui va avoir tendance à grossir. J'ai deux dermatologues qui vont nous rejoindre sur Château-Gontier. Il y en a plus du tout sur la Mayenne et donc ça fera du bien aux populations. Donc moi, j'ai besoin d'avoir encore plus de liberté sur l'arrivée, l'accueil, l'intégration de ces médecins étrangers pour lesquels encore une fois, nous veillons à bien vérifier leur curriculum vitae.".

 

"Vous enlevez les praticiens étrangers, notre dispositif s'effondre"
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Ça veut dire quoi plus de liberté ? 

 

"Moins d'emprise purement administrative et plus de sélection médicale. Là, je recherche des médecins, des compétences médicales. Il est évident qu'en fonction des pays qu'on a dans le monde, il y a des formations qui sont de plus ou moins bonne qualité et des praticiens formés qui sont évidemment en fonction des pays, des origines, des pratiques, qui ne sont pas les mêmes qu'en France, plus ou moins adaptés à notre dispositif sanitaire français. Moi, j'ai besoin d'avoir de la latitude pour pouvoir créer des filières propres d'arrivée de ces praticiens étrangers et surtout des filières de sélection. Typiquement, je ne m'occupe pas de la sélection de la pertinence médicale. Mohammed Nouri, le président des médecins de l'hôpital, s'attache à ça, à faire cette sélection avec ses collègues. Il commence par lui poser des questions, voir arriver le praticien et le tester pendant un mois. Et quand ça convient pas, quand c'est pas à la hauteur de ce qu'on attend, et bien, on arrête le contrat. Moi, j'ai besoin de ça, j'ai besoin de cette souplesse. Plus vous entrez dans un dispositif administratif, je devrais dire performant pour être conforme à l'usage de ma position, donc plus vous entrez dans un dispositif administratif, et plus ce dispositif a tendance à enlever de la liberté d'action."

 

Ce que vous demandez, c'est plutôt que l'administratif facilite leurs venues et de laisser le milieu médical se charger de juger ceux capables de rester ? 

 

"C'est exactement ça ! D'autant plus qu'on aura cette liberté de pouvoir choisir et donc de pouvoir sélectionner. Et encore une fois, à Château-Gontier, je dors sur mes deux oreilles. Les praticiens à diplôme étranger que nous avons et qui ont reçu l'autorisation de leurs paires et des chefs de pôle du CCHA, je sais que j'ai une aussi bonne qualité que si c'était un praticien à diplôme français ou parfois moins pire, européen."

 

Eric-Alban Giroux demande plus de souplesse administrative
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Et aujourd'hui, qu'est-ce qui pose problème pour recruter ces médecins ?

 

"C'est ce qui se passe depuis quelques années, l'informatisation de l'obtention des visas a évité qu'on puisse converser avec l'autorité administrative pour étudier chacun des dossiers. Ça s'est déshumanisé et en se déshumanisant et bien, on rentre dans quelque chose qui est systématisé. Et encore une fois, dans la pensée médicale, il ne faut pas de systématisation. Il faut du cas par cas. Il faut pouvoir choisir, pouvoir être mobile, agile, local et réactif. Dans tous les cas, c'est ça que je demande. Et plus vous mettez un dispositif administratif, légitime, sécurisé, sécurisant pour la population, sécurisant pour les différents courants qui traversent notre pays pour l'instant, et plus vous rigidifiez le dispositif. Encore une fois pour la population et qu'elle l'entende bien, vous enlevez les médecins étrangers de France et notre système sanitaire s'effondre."

 

* L'article prévoit que les médecins, chirurgiens-dentistes, sage-femmes ou pharmaciens étrangers se voient remettre une carte pluriannuelle portant la mention "talent-profession médicale et de la pharmacie" sous certaines conditions pour une durée maximale de quatre ans et sous réserve de la signature de la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité. En revanche, il ne revient pas l'obtention des épreuves de vérification des connaissances et la validation par une commission d'autorisation d'exercice.