En Maine-et-Loire. L'usage partagé, l'avenir des églises ?
Ce jeudi 10 octobre, élus, clergés et architectes se sont réunis pour réfléchir à l'avenir des églises et évoquer l'usage partagé des édifices religieux. Une volonté parfois entravée par des contraintes financières et décisionnaires.
11 octobre 2024 à 12h38 - Modifié : 11 octobre 2024 à 12h38 par Alexis Vellayoudom
C'est un véritable casse-tête pour les communes, la rénovation des églises. Le sujet est brûlant en Anjou avec plusieurs édifices religieux en piteux état. Longtemps, la rénovation a été privilégiée et possible, mais, ces dernières années, le manque de finance des collectivités a mené, à contrecœur, vers une nouvelle voie, radicale, celle de la déconstruction. Une solution qui a souvent provoqué des conflits entre croyants, identitaires et élus, comme à la Ferrière-de-Flée sur la commune nouvelle de Segré-en-Anjou Bleu (ndlr : depuis la mairie et les autorités ont relancé une réflexion sur un projet de co-usage). Pour éviter d'emprunter cette voie glissante, l'Association des maires de France du Maine-et-Loire et la Fondation du Patrimoine organisaient, ce jeudi 10 octobre, une réunion entre tous les acteurs pour trouver de nouvelles solutions.
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Mutualiser les coûts avec l'usage partagé
Autour de la table, tous les partis sont réunis, élus, membres du clergé, de la Direction des régionales des Affaires culturelles, de la Fondation du Patrimoine et des architectes des bâtiments de France ont fait le chemin des quatre coins de l'Anjou pour réfléchir sur l'avenir des églises. Un patrimoine ecclésiastique, culturel, architectural, mais surtout municipal, régit par la loi 1905, avec une valeur affective pour les habitants, vieillissant, mal entretenu, et dont les coûts de rénovation, le nerf de la guerre, sont parfois faramineux. "On sait qu'on a des aides de la Drac, donc de l'Etat, du Département, de la Région, la Fondation du Patrimoine. On arrive à mobiliser en 20 et 50 % du financement. La difficulté, c'est les 50 % qui restent et doivent être pris sur les budgets communaux. Et là, faut qu'on réfléchisse pour que l'usage de ces églises ne soit pas complètement exclusif et que chacun puisse s'y retrouver", explique Philippe Chalopin, président de l'association des maires de France en Maine-et-Loire
Un usage partagé des églises que s'est appliqué à expliquer Gabriel Turquet de Beauregard, architecte des bâtiments de France. "Il faut que ce soit des usages compatibles avec le culte et qui ne viennent pas à l'encontre". Parmi les exemples, des parties de l'église dédiées au télétravail, à l'accueil d'une micro-entreprise en coworking ou une salle détente pour accueillir des personnes qui recherchent de la compagnie. "Il peut aussi y avoir des lieux dans lesquels on peut trouver du soutien scolaire, trouver des associations, de la culture, des choses tournées vers les besoins actuels de la société et des milieux ruraux pour faire de ces églises, des lieux ouverts à tous", explique le chef de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine.
Une mutualisation qui pourrait servir à trouver des financements selon lui : "Ça peut justifier la restauration parce qu'aujourd'hui, la difficulté, c'est de mettre des centaines, voire des millions d'euros, dans un bâtiment dont l'usage est unique. Et des co-usages qui répondent à des besoins pourraient justifier des investissements et la restauration. Aujourd'hui, la restauration d'une église est fléchée comme une ligne cultuelle, ça serait intéressant que demain, la restauration de ces bâtiments, soit aussi fléchée sur des lignes de services publics, d'équipement ou même du public avec du privé. C'est une question de mutualisation des fonctions au service de l'art et du beau. On peut, de cette contrainte, sortir quelque chose de très beau et de très grand".
Le casse-tête de Beaupreau-en-Mauges
Franck Aubin n'a pas hésité quand on lui a demandé de venir témoigner. Sa commune nouvelle d'environ 23 000 habitants compte 13 églises. "Elles sont quasiment toutes du XIXe siècle. Elles ont été construites très rapidement, souvent de façon démesurée en termes de grandeur et avec des matériaux pas toujours de bonne qualité. On arrive à une période où les problématiques de structure sont de plus en plus criantes", confie l'élu. Un toit qui menace de s'effondrer, des pierres de tuffeau qui se dégradent et des charpentes qui s'effritent. En début de mandat, le Conseil municipal se creuse alors la tête. "Soyons clairs, nos budgets municipaux ne pourront pas supporter l'entièreté des réparations qui sont nécessaires".
Sur les treize églises, une solution alternative à la simple restauration est finalement trouvée pour l'une des églises de la commune déléguée de Beaupreau, en privilégiant du co-usage. "On devait refaire notre Pôle culturel, médiathèque et école de musique et on s'était demandé si on pouvait rentrer ces deux équipements dans l'une des deux églises. On a lancé le projet avec des citoyens, des sociologues, des experts et la paroisse. On en est arrivé à la conclusion qu'il fallait qu'on passe par une désaffectation, un déclassement et une désacralisation". Mais l'évêché refuse cette solution. "L'arbitrage, aujourd'hui, c'est l'évêché qui doit le faire et il nous a répété qu'il n'était pas prêt à aller vers cette solution, mais on ne pourra pas trouver des usages multiples pour chacune de nos usages. Pour les communes déléguées qui ont deux églises, une suffit au culte, et l'autre pouvait, en respectant l'histoire du lieu, du bâtiment, pouvoir être affectée du cultuel au culturel".
Une question qui sera aussi abordée ce week-end en Mayenne lors du 4e Forum des élus et acteurs publics où des solutions techniques et financières seront proposées aux élus.