Une urgentiste appelle le directeur de l’ARS à manifester pour l’hôpital de Laval

Caroline Brémaud, cheffe des urgences, soutient la manifestation citoyenne organisée samedi. Son service manque de médecins de garde, et la loi Rist et la pénurie de médicaments n’arrangent pas la situation.

10 mai 2023 à 13h01 par Coralie Juret

Caroline Brémaud en grève_mai 2022_Facebook Caroline Brémaud
Caroline Brémaud en grève en mai 2022 à l'hôpital de Laval
Crédit : Facebook / Caroline Brémaud

Elle soutient la manifestation citoyenne et espère du monde devant son hôpital. Caroline Brémaud voudrait « que les gens se mobilisent au moins autant que pour les retraites parce que c’est aussi important », alors qu’un collectif de citoyens exigera de réelles améliorations pour l’hôpital de Laval samedi à partir de 14h.

La cheffe des urgences invite même le directeur de l’Agence régionale de santé à les rejoindre : « J’aimerais que nos administratifs se joignent à nous. C’est eux les échelons entre l’Etat et nous, qu’ils aient le courage de dire : ‘on est d’accord avec les gens de terrain et nous aussi on en a marre qu’on nous critique, on veut des moyens’. J’aimerais qu’eux aussi ils aient le courage d’assumer ce qu’ils pensent en tant que citoyens. Il faudrait que notre directeur d’ARS soit dans la rue avec nous ».

Caroline Brémaud : "il faudrait que notre directeur d 'ARS soit dans la rue avec nous"
Crédit : Coralie Juret

 

Les urgences fermées au public une nuit sur deux en mai

 

Ce mois-ci, la direction de l’hôpital a annoncé 10 nuits de fermeture des urgences, accessibles uniquement sur régulation du Samu. La cheffe des urgences table plutôt sur 14 nuits. « Ils considèrent que le planning n’est pas stabilisé et que peut être on aura des bonnes surprises. Moi je sais très bien qu’on trouvera personne, et on a même des nuits qu’on n’a pas annoncé. On pourrait même en avoir une quinzième », égrène amèrement Caroline Brémaud.

Caroline Brémaud : "on pourrait même avoir une quinzième nuit de fermeture"
Crédit : Coralie Juret

En cause, le manque de médecins de garde, des intérimaires qui pour certains ne sont pas revenus depuis la loi Rist et le plafonnement de leur rémunération. « Elle a déstabilisé complètement un système très fragile », soupire le Dr Brémaud, « et ça ne va pas aller en s’arrangeant ». Les inquiétudes sont grandes pour l’été : « on va être obligé de prendre nos congés avec des semaines de 80 heures… » Les remplacements s’annoncent tendus.

 

Des médicaments au compte-goutte

 

Et les conditions de travail sont difficiles, « on nous demande de faire plus avec moins », rapporte l’urgentiste.

Au bébé de son amie qu’elle accompagne à la pharmacie de garde, on délivre un antibiotique pour adulte à diluer avec de l’eau, car celui pour enfant n’est plus disponible. « En France quand on voit comment les pharmaciens peuvent être rigoureux, je ne pensais pas voir ça de mes yeux. Je ne pensais pas entendre dire un jour que des médicaments pour l’urgence vitale ne sont pas disponibles », poursuit Caroline Brémaud. Récemment, un patient en arrêt cardiaque après une embolie pulmonaire massive a reçu un médicament dans le cadre d’une trombolyse. « On a sauvé le patient, on est ravi. Mais depuis ce médicament n’est plus dans mon sac de SMUR et je n’ai pas été réapprovisionnée... Si on fait un AVC et qu’on doit donner un médicament comme de l’aspirine, on regarde si on ne peut pas le donner par la bouche, parce que le flacon en voie veineuse on l’a au compte-goutte. Tout ça, ça fait qu’on a des gens qui ont envie d’arrêter. »

Pour l’été, « j’ai peur qu’on fasse des bêtises, qu’on se mette en danger nous et les patients », avoue la cheffe des urgences. « Parfois les mots me manquent tellement je ne pensais pas connaitre ce que j’ai vécu. Ces pénuries de médicaments, ces pénuries de médecins, cette inaction du gouvernement. On a besoin que des moyens soient mis. »

 

Une manifestation citoyenne est organisée ce samedi 13 mai à 14h devant l’hôpital de Laval.