Angers. Procès triple meurtre : L’affaire renvoyée après une erreur matérielle
Sur le document contenant les 57 questions posées au jury figurait déjà la décision et la condamnation de l’accusé alors que les plaidoiries devaient commencer ce jeudi 9 octobre et les débats se terminer vendredi. Mis en cause, le président de la cour d'assises Xavier Lenoir a décidé de renvoyer l’affaire.
Publié : 9 octobre 2025 à 14h16 - Modifié : 9 octobre 2025 à 15h43 Alexis Vellayoudom
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"J’ai jamais vu ça", confie une avocate des parties civiles. Ce jeudi matin, c’est la sidération qui s’empare de la cour d’assises d'Angers. Au lendemain d'un incident technique, le président Xavier Lenoir a décidé de renvoyer le procès jugeant que son "impartialité était remise en cause". L'affaire ne sera pas rejugée avant le 1er semestre 2026.
"J’assume pleinement ma responsabilité"
Ce scénario rocambolesque démarre dans la nuit du mercredi 8 octobre. Vers 20h, comme le rapporte notre consœur de Ouest-France, le président de la cour, Xavier Lenoir, décide de remettre aux jurés et aux avocats des parties civiles et de la défense un document où sont écrites les 57 questions (pour leur permettre de préparer leurs plaidoiries en amont, ndlr) qui seront posées au jury populaire à l’issu des débats. Problème, en bas, figure la décision rédigée et la condamnation « réclusion criminelle à perpétuité » avec le nom de l’accusé, avant même que les débats soient terminés et que les différentes parties aient eu le temps de plaider. C’est un des avocats des parties civiles qui réagit. La séance est levée dans l’incompréhension.
Mais ce jeudi matin, peu d’illusion quant à l’issue. "L’affaire sera probablement renvoyée", confie une avocate. "C’est horrible pour les familles." D’autres espèrent, "il (le président) peut encore trouver une solution pour aller au bout". Une erreur, un document prérempli ? Le suspens prend fin vers 10h10, une heure après le début théorique de l’audience. Le président Xavier Lenoir se justifie : "Je me dois de donner des explications, souffle-t-il. Dans un souci d’étude contradictoire des questions qui est je le rappelle facultatif, et dans le sens du respect de chacun, j’ai transmis cette feuille de questions où figuraient les éléments de « réclusion criminelle » avec une peine de sûreté et le nom de l’accusé. Ce document résulte d’une précédente feuille de questions sur l'affaire Nathalie Stéphan lors d'un homicide aggravée (meutre de Vanille jugée en appel en 2023, ndlr)."
Le magistrat explique avoir repris des éléments de cette feuille pour créer un nouveau document de travail tout en faisant apparaître le nom de l'accusé. "J’assume pleinement ma responsabilité, de communiquer des pièces non-conformes. Ca ne reflète en aucun cas ma pratique dans ce procès que j’ai souhaité apaisé. Il y a une question d’impartialité du président, que j’entends tout à fait. Je ne cherche pas à influencer. Je n’ai aucun à priori vis à vis de l’accusé". Conscient de la gravité, Xavier Lenoir donne la parole à Me Charles-Alexis Garo, avocat de la défense. Calmement, l’avocat d'Al Khawad Al Zine Sulaymane s’exprime : "C’est une atteinte irrémédiable aux droits de la défense. Je ne peux pas être sûr que ce soit une erreur. Il y a fatalement une suspicion sur l’impartialité de la cour et de Monsieur le Président". Il demande à renvoyer l’affaire.
Des parties civiles en désaccord
La parole est ensuite donnée à Me Yassine Bouzrou, avocat de 18 parties civiles. C'est lui qui a relevé l'erreur hier. A la stupeur générale, il soutient le renvoi : "c’est une demande légitime dans le respect des textes. On ne peut pas faire preuve d’impartialité objectif. Je préfère une audience renvoyée le plus vite possible. Je ne veux pas prendre le risque que l’accusé soit remis en liberté. La moindre des choses, c'est d'offrir est un procès équitable".
Dans la salle, une partie civile en désaccord avec cette demande en invective une autre. "Bravo ! T’es content de ce que tu fais ?" La déclaration de Me Yassine Bouzrou va à contresens de tous les autres parties civiles qui souhaitent que l’affaire se poursuivre. Me Thierry Fillion est le premier à réagir. Il plaide une erreur sans incidence. "Nous comprenons la réaction procédurale de la Défense. Par contre, pour le reste, solennellement Monsieur le Président, il y a aucun soupçon. Ca ne remet aucunement en cause votre impartialité. Nous représentons des personnes qui souffrent de plus près de 3 ans. Pendant une semaine, elles ont eu le courage de revenir sur ces faits, prendre le temps, pleurer, ces personnes là ne peuvent imaginer que ces jours passés ne servent rien. On ne souhaite pas le renvoie".
Dans la foulée, Me Pascal Roullier fulmine : "Jamais je n’ai suspecté que vous ayez le moindre manque d'impartialité. J’ai honte de mon barreau. Ce renvoie n'aurait aucun intérêt si ce n'est de permettre à certains d’exister (ces mots sont destinés à Me Bouzrou, ndlr). Les yeux dans les yeux, ne renvoyez pas ce dossier. Il appartient à la défense de faire appel." Me Bouzrou se défend : "J’ai honte de mon barreau. Ceux qui connaissent la loi, connaissent l’impartialité objectif. On se base sur la loi. Je suis attristé de voir qu’un confrère ne maîtrise pas un des principes fondamentaux. C’est pas mon rôle de dire si vous êtes bon ou pas Monsieur le Président, mais je ne prends pas le risque d’avoir un accusé remis en liberté. On a des textes il faut les suivre. »
"Renvoyer le dossier serait un énorme gâchis"
Dans la salle la douleur prend le pas. Une avocate souligne : "On a plus de risque d’une remise en liberté si le procès est renvoyé.". Tous les autres soutiennent la poursuite du procès. "On a l’attente des familles d’avoir une décision. Il faut sortir de ce chemin", soutient Me Anne-Pascal Lamy-Rabu. "Je ne souhaite pas un renvoie. J’ai eu des messages de mes clients hier me demandant : j’ai craqué pour rien ?"
Enfin, l’avocat générale, représentante du parquet, déplore ces règlements de comptes entre avocats. Pour ce qui est de l’incident : "Ce document ne reflète pas une partialité du président. D’ailleurs, il n’a jamais été remis aux jurys. Dire que ça jette l’opprobre au procès, ça m’attriste réellement. On oublie qu’il n’y pas qu’un juge, mais des assesseurs et 9 jurés. C’est une erreur malheureuse, regrettable, une erreur informatique qui ne préjuge en rien à ce qui va être décidé. Renvoyer le dossier serait un énorme gâchis". La dernère parole est redonné à l'avocat de la défense. "Ca pose question sur un plan objectif. Je ne peux pas faire comme si ce document n’existe pas. C’est pas possible. Dans le doute, je suis obligé de faire des conclusions", souligne Me Garo. Dans son boxe, l’accusé explique faire confiance à son avocat. La cour se retire pour statuer.
"On est tes paillassons"
Ce n'est qu'une heure plus tard que les jugent et les jurés reviennent. Ce qui était redouté arriva, le président Xavier Lenoir prononce le renvoi du procès au motif que son impartialité soit mise en cause. Des membres des familles victimes s'écroulent en larmes. D'autres invectivent Me Bazrou. "T'es qu'une pourriture. On est tes paillassons, lache Petelo Automalo, le père de l'une des victimes. Je suis très en colère. On est fatigué. Ca fait trois ans qu'on souffre. Je ne sais pas quand on va s'arrêter de souffrir. Lui (Me YassineBouzrou, ndlr), il est juste là pour faire le buzz, montrer qu'il a débarqué à Angers. Il est en train d'endormir ses clients. Il n'a pas pensé aux victimes. Il ne pense qu'à sa petite personne."
Un avis partagé par son avocat Me Pascal Rouillier : "Il vient de se passer quelque chose d'assez scandaleux. Ce qui est consternant, c'est qu'un avocat a cru devoir torpiller le procès pour de mauvaises raisons, sans écouter la demande bien légitime de ceux qui sont sur le banc des victimes. Je dois vous avouer que j'ai un petit honte du comportement de certains de mes confrères. Il a soutenu contre l'intérêt des parties civiles, une position qui est inqualifiable." Sur le fond, il fait remarquer qu'un "renvoi parce que nous avons un problème de procédure, c'est quelque chose d'habituel".
Mais Me Yassine Bouzrou ne voit pas les choses de la même façon. "Il n'y a aucun débat. On a un président de Cour d'assises qui a commis une violation très grave de nos textes fondamentaux. Ca risquait de remettre en cause une accusation de l'accusé. Nous ne voulons pas ça. Nous voulons que l'accusé soit condamné suite à un procès équitable et que sa condamnation ne puisse pas faire l'objet d'une contestation procédurale. Les parties civiles que je représente préfèrent mille fois qu'on refasse un procès que de prendre le risque que l'accusé soit remis en liberté du fait d'un manquement du président."
L'accusé reste en détention provisoire
Certaines parties civiles sont partagées. C'est le cas d'Adam, frère d'Ismaël : "Je comprends que vivre un deuxième procès ça ne sera facile. Mais de l'autre côté, je comprends que poursuivre le procès, c'est prendre le risque que l'accusé soit remis en liberté." Est-il angoissé à l'idée de revivre un procès ? "Il y aura plus de lourdeur dans nos émotions parce qu'on va réentendre et revoir les mêmes choses. Ca sera difficile d'être patient."
Conséquence de ce renvoi, une nouvelle cours avec un nouveau président sera nommé et le procès doit être replanifié selon les délais d'audiencement. Mais d'après les professionnels ça ne sera pas avant le 1er semestre 2026. En attendant, le principal accusé Al Khawad Al Zine Sulaymane, jugé pour trois homicides volontaires, tentatives d'homicides volontaires, tentative d'agression sexuelle et agression sexuelle, reste en détention provisoire.
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