Consultation médicale à 26,50 € : "on ne va pas donner envie aux jeunes de devenir médecin de famille", s'alarme le médecin Luc Duquesnel, président de la CSMF

La médiatrice entre l'Assurance maladie et les médecins libéraux a acté l'augmentation du tarif de la consultation médicale de 1,50 €. Luc Duquesnel, médecin mayennais et président du syndicat CSMF dénonce cette décision.

26 avril 2023 à 12h05 par Alexis Vellayoudom

Grève médecins mayenne_29 11 22_AVC
Luc Duquesnel (à droite) et les médecins mayennais libéraux appelés à manifester en novembre 2022
Crédit : Alexis Vellayoudom

"C'est acter une dévalorisation de la consultation des médecins libéraux", s'agace le médecin mayennais Luc Duquesnel. Lundi, Annick Morel, missionnée médiatrice dans le contentieux sur la convention entre l'Assurance maladie et les médecins, renégociée tous les cinq ans, a annoncé l'augmentation de la consultation de 1,50 € pour passer de 25 € à 26,50 €, alors que les syndicats demandent son passage à 30 € pour faire face à l'inflation, voire 50 € pour le mouvement médecins pour demain. "Un métier qu'est celui de médecin généraliste qui attire de moins en moins les jeunes médecins, et bien, on est sûr d'une chose, ce n'est pas avec ce type de mesure qu'on va donner envie aux futurs médecins, d'être médecin de famille et médecin traitant", s'alarme Luc Duquesnel, président de la Confédération des syndicats médicaux français, branche la moins dure des syndicats. 

 

Luc Duquesnel réagit l'augmentation du tarif de la consultation de 1,50 €
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

La CSMF demande un contrat d'engagement collectif plutôt qu'individuel

 

En février, les syndicats avaient refusé de signer la nouvelle convention qui prévoyait l'augmentation de la consultation de 1,50 €, voire de passer le tarif de la consultation à 30 € pour les médecins qui s'engageraient dans un contrat individuel qui prévoit notamment l'augmentation de la patientèle, d'ouvrir son cabinet régulièrement le samedi, de faire des gardes de nuit, le week-end ou d'accepter de prendre des patients non prévus en journée, "pourquoi on a refusé de la signer alors qu'il y avait des avancées pour au moins 70 % des médecins. Je prends l'exemple dans ma maison de santé, yl y en a deux médecins à temps partiel, un qu'est retraité, en cumul emploi-retraite et l'autre, une mère célibataire avec deux enfants en bas âge. Et bien, c'est deux médecins n'allaient pouvoir signer cet engagement individuel. Pour les patients, en affection de longue durée, de plus de 80 ans, on avait obtenu des consultations longues cotées à 60 €. Moi, j'allais pouvoir le faire, mais mes deux confrères allaient pas le faire à 26,50 €, alors qu'ils allaient passer le même temps. Sur un plan éthique, c'est inadmissible pour nous", justifie le Mayennais Luc Duquesnel.  

Pourquoi le syndicats refusent cette convention ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

La CSMF souhaite maintenant se mettre de nouveau autour de la table : "mais pas à n'importe quelles conditions. Premièrement, il ne doit pas y avoir de contrat individuel. Par contre, on est d'accord, pour que collectivement, l'ensemble des médecins d'un territoire s'engagent à prendre des soins non-programmés pour les patients qui n'ont plus de médecins traitants, s'engager à ce que la permanence des soins fonctionne. Bien sûr, la consultation de base doit être à 30 € pour l'ensemble des médecins généralistes. Et puis très clairement, il faut rajouter de l'argent, notamment pour revaloriser les visites à domicile". 

 

Des médecins prêts à se mettre hors des lignes

 

Le 14 février, les médecins étaient appelés à fermer leur cabinet pour protester. Une mobilisation qui avait déjà été largement suivie les 1er et 2 décembre. Dans plusieurs départements, une grève de la permanence des soins avait été mise. Aujourd'hui, plusieurs médecins envisagent de prendre des mesures radicales, "il y a des syndicats qui proposent de se déconventionner, c'est-à-dire, que les consultations ne seraient plus remboursées au patient. Très clairement, ce n'est pas l'esprit des médecins généralistes, mais je comprends aussi que certains puissent en arriver à ces extrémités. Mais se dire qu'il y a des patients qui ne pourront plus consulter parce qu'ils n'auront plus les moyens, ce n'est pas voilà... [...] une autre possibilité, puisqu'on veut nous les accorder ces 30 €, c'est que les médecins décident individuellement de les prendre, ça serait une majoration pour les patients", rapporte le médecin mayennais. 

 

Ce qu'envisagent les médecins en colère
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Face à la réalité du terrain, des médecins préfèrent quitter la médecine libérale, "on voit aujourd'hui de plus en plus de centre de santé qui proposent à des médecins généralistes d'être salarié. 8 000 € par mois, 35 heures par semaine, pas de garde. C'est bien plus confortable que ce qu'on fait".

Luc Duquesnel témoigne de la situation dans son cabinet
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Pour le président de la CSMF, il faut que les choses changent rapidement : "on arrive à des patientèles de 1 500, 2 000, 3 000 patients, on ne peut pas en prendre plus. Je suis sur un territoire où en 18 mois, ça fait 6 médecins qui arrêtent. Des médecins qui devaient partir à la retraite dans deux ans qui vont partir cette année. D'autres qui déménagent, quand vous êtes dans un territoire où il y a 5 ans, vous faisiez 17 gardes par an et maintenant que vous êtes moins nombreux, vous en faites 34, ça ne vous donne pas envie de rester. Dans ma maison de santé, où les charges ont augmenté de façon très importante, et bien, on va licencier nos deux secrétaires au 30 septembre. Ça sera des secrétariats téléphoniques, ça va nous compliquer la vie, mais aussi pour les patients qui ont besoin de rendez-vous avec des spécialistes à prendre, ces secrétaires ne seront plus là. C'est déplorable".