En Anjou et en Mayenne, de nombreux cabinets médicaux garderont portes closes ce jeudi et vendredi

Ce jeudi, 80 % des cabinets médicaux de la Mayenne seront fermés. Les médecins libéraux manifestent sur tout le territoire national pour réclamer plus de moyens afin d'améliorer l'accès aux soins.

30 novembre 2022 à 17h37 par Alexis Vellayoudom

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Luc Duquesnel (à droite) et les médecins mayennais libéraux appelés à manifester en novembre 2022
Crédit : Alexis Vellayoudom

"C'est scandaleux d'être obligé de créer le chaos pour se faire entendre par le gouvernement". La colère est là, l'épuisement, le dépit aussi. Ce mercredi soir dans les locaux de l'Ordre des médecins, c'est une colère froide qui se lit sur les visages de Luc Duquesnel, président de la Confédération des syndicats médicaux de France et Josselin Delahaye, représentant du syndicat MG France. Cela fait 20 ans qu'ils n'étaient pas descendus dans la rue. Ce jeudi et vendredi, les médecins libéraux se mettent en grève partout en France.

En Mayenne, près de 80 % des cabinets seront fermés demain, 70 % après-midi. Dans le Maine-et-Loire, plusieurs cabinets suivent aussi le mouvement. Les médecins, en souffrance, demandent plus de moyens pour éviter la dégringolade de l'accès aux soins. 

 

Un épuisement général

 

"Aujourd'hui la situation d'accès aux soins en France, ce n'est plus acceptable. Ce n'estt plus acceptable pour les Français, pour les Mayennais, ce n'est pas acceptable pour nous non plus. On a beau tout faire. On a beau augmenter le nombre de patients qu'on prend en charge au quotidien et pour autant, on arrive pas à faire face". Le tableau dressé par le Dr Duquesnel, médecin à Mayenne, est sombre. Et au file de l'échange, il se noircit. D'après les syndicats, les médecins libéraux n'ont plus le temps de prendre patients, "c'est dramatique. On reçoit des mails de médecins, le dernier en date, c'est dans le Nord-Mayenne. Il a envoyé ça à tous ses confrères. Ça faisait 10 ans qu'il est installé et il dit "je n'en peux plus". Il a plus de 2 000 patients. Ça impacte énorme sur sa vie familiale, sur ses enfants et donc il nous dit "je suis désolé, j'arrête le 31 décembre"", raconte le Mayennais. 

 

Luc Duquesnel fait le point sur la situation des médecins en Mayenne
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Mais le drame se joue aussi chez les patients avec une prise en charge plus longue, "j'ai un patient pour un rendez-vous chez le cardiologue, c'est pas avant février 2024", témoigne Luc Duquesnel. À côté de lui, Josselin Delahaye, médecin au pôle santé de Meslay-du-Maine et installé depuis 12 ans, va manifester pour la première fois, il raconte : "une dame m'a envoyé un mail hier soir parce que ses délais de prise en charge dans les centres de douleurs, chez le rhumatologue dépassent plusieurs mois. C'est une dame qui souffre. Je l'ai mis sous des traitements qui me dépassent. Et cette dame est tellement souffrante qu'elle était dans la menace du suicide et c'est notre quotidien". 

 

Le Dr Delahaye manifestera pour la première fois
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Et l'administration n'arrange rien, les moyens n'arrivent pas selon les syndicats et les démarches sont de plus en plus lourdes, "ça fait 10 ans qu'on fait le constat et tout le monde dit on va simplifier, mais nos tâches administratives ne cessent d'augmenter. La grande nouveauté depuis le mois de septembre, c'est que des parents nous demandent de faire des certificats médicaux comme quoi on autorise la nourrice à donner du doliprane aux nourrissons alors qu'il y a des prescriptions médicales qui sont faites. Est-ce que c'est pas aux parents de permettre à la nourrice de permettre à la nourrice de le faire quitte à le certifier sur un papier. On croule sous les certificats médicaux. L'été faut faire des certificats pour pas payer le centre aéré, la cantine scolaire. On nous demande des certificats médicaux pour faire de la marche. Bientôt, on nous demandera des certificats pour aller faire le marché le samedi matin". 

 

Augmenter la consultation médicale à 30 € 

 

"Pas de santé sans médecins et pas de médecins sans moyens", lâche Luc Duquesnel. Principale revendication des syndicats, passer la consultation de base de 25 € à 30 €, "c'est l'une des basses d'Europe. Elle a été fixée en 2016, il doit y avoir une augmentation. On demande pas 50 €. On pense qu'il doit y avoir une revalorisation qui tienne compte de l'inflation". Parmi les autres demandes, l'instauration d'un tarif pour les consultations les plus longues, "celles qui durent 30 à 45 minutes pour nos patients âgés, polypathologiques, diabétiques, insuffisant cardiaques. Ces consultations, c'est l'expertise du médecin traitant. Elles doivent être rémunérées à hauteur de 60 €. Ce n'est que 10 à 20 % des actes faits par le médecin. Ça incitera aussi à voir moins souvent ses patients quand ils sont bien équilibrées. Ça peut être par exemple deux fois par an", décrypte le médecin de Mayenne.  

 

Les médecins libéraux réclament un tarif spécifique pour les consultations longues
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Les syndicats justifient les bienfaits de telles mesures par des rentrées d'argent qui permettraient aux médecins d'investir et d'embaucher, "je dis au Gouvernement, donnez-nous les moyens. Accompagnez-nous pour travailler avec un assistant médical temps plein qui permet de prendre en charge minimum 10 % de patient en plus. Travailler avec une infirmière de pratique avancée. Et aujourd'hui, soit nos locaux sont inadaptés, soit on a peur du changement, soit on n'a pas envie d'être l'employeur et des soucis avec des salariés", précise le médecin mayennais. 

 

Qui paye ? 

 

"Hors de question" pour les syndicats. La sécurité sociale prendrait en charge cette augmentation, sauf qu'à la table des négociations conventionnelles débutées il y a 15 jours, ça ne bouge pas, "sur la table, il n'y a même pas de quoi majorer cette consultation de base de 25 € à 30 €", déplore les deux médecins. 

 

Des cabinets fermés à Noël et le premier de l'an ? 

 

Et lorsque l'on parle de la gêne que ces fermetures vont occasionner auprès des patients, les professionnels de santé restent lucides : "on comprend, oui ça va aggraver la situation, mais si on ne fait rien, les médecins généralistes sont dans une telle situation de désespérance. Dans les années à venir, ça va être dramatique, il y aura plus de médecins traitants. Et patients et médecins, on est allié dans l'histoire. Améliorer l'accès aux soins, nous c'est pour améliorer nos conditions d'exercice, c'est aussi pour avoir la satisfaction de prendre en charge plus de patient et puis les usagers, c'est pour être sûr d'avoir des réponses à leurs demandes de soin donc on n'a plus rien à perdre". 

Une nouvelle réunion est d'ores et déjà prévu le 15 décembre, mais les syndicats alertent déjà : "si le gouvernement ne nous entend pas, nous allons vers un mouvement très dur. La balle est dans le camp du gouvernement". Les syndicats brandissent la menace de fermer de nouveaux leurs cabinets pendant la période de Noël et le premier de l'an, dans un contexte où les urgences de l'hôpital seront elles aussi fermées. Ce jeudi, ils seront devant la CPAM de Laval à 11h.