En Anjou. "On restera le temps qu'il faudra" promettent les agriculteurs

Depuis mardi soir, les agriculteurs de la FDSEA et les JA 49 ont rejoint le mouvement de colère national. Barrages, étiquetages dans les supermarchés, ils ont multiplié les actions.

25 janvier 2024 à 17h31 par Alexis Vellayoudom

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La FDSEA et les JA ont bloqué des ronds-points et organisé des actions dans les GMS
Crédit : Alexis Vellayoudom

Les agriculteurs du Maine-et-Loire entament leur bras de fer avec le gouvernement. Sur les ronds-points, devant les préfectures ou dans les supermarchés, les syndicats FDSEA et JA du Maine-et-Loire multiplient les actions dans le cadre d'un mouvement national pour faire plier le gouvernement à leurs exigences, un prix juste, une diminution des normes et des indemnisations plus rapides. 

 

 

Reportage au blocage du rond-point du Lion d'Angers
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Des points de rassemblement sur tout le Maine-et-Loire

 

En Anjou, ça avait déjà commencé mardi soir avec un barrage filtrant mis en place par une trentaine d'agriculteurs à Saint-Georges-sur-Loire. Hier soir, les syndicats agricoles FDSEA et Jeunes agriculteurs ont continué de mobiliser les foules. D'abord à Baugé où une trentaine de tracteurs ont bloqué un rond-point. Dans la foulée, plus d'une centaine d'agriculteurs et une quarantaine de tracteurs soutenus ont démarré le blocage de deux ronds-points sur la D775 au Lion d'Angers, coupant la circulation et obligeant les véhicules à être déviés par Candé. Ce matin, ils ont bloqué le rond-point de la D748 et la D761 au niveau de Leclerc à Brissac. D'autres barrages sont installés à Cholet et Vivy. Des blocages sont aussi annoncés pour lundi prochain à Durtal, Seiches sur le Loir et Corné. La préfecture recommande de privilégier le télétravail si possible. 

 

 

Des blocages qui risquent de durer plusieurs jours comme constaté sur le rond-point du Lion d'Angers. Très remontée, la centaine d'agriculteurs présents a fait savoir qu'elle ne bougera pas. "Tant qu'il n'y a pas réponse, on ne va pas lâcher", lâche Julien Dersoir, éleveur de veaux de boucherie au Tremblay. Plus loin, Jérôme Deletre, producteur de lait à Longuenée en Anjou, en a ras le bol des nouvelles normes et des normes, "aujourd'hui, on n'en veut plus. De temps en temps, on a la carotte, un petit retour financier, mais il faut passer un max de temps dans le bureau et ce n'est pas notre coeur de métier". Sur les ronds-points, les manifestants ont l'intention de tenir. Des feux ont été allumés pour se réchauffer, d'autres ont amené leur glacière. Eric Forestier, éleveur laitier à Thorigné d'Anjou, prépare sa chambre, "C'est une bétaillère toute simple, bâchée, avec quelques matelas, des tables et des chaises. Si quelques-uns veulent se reposer, c'est possible".  

 

"On demande à ce que l'État fasse son boulot"

 

Les syndicats ont adressé une liste de 120 mesures au Premier ministre dans laquelle ils demandent, par exemple, d'arrêter l'importation des produits étrangers qui ne respectent pas les mêmes normes qu'en France. Des mesures immédiates sont aussi réclamées comme l'application de la Loi Egalim, "la prise en compte du prix de la matière agricole dans toutes les négociations commerciales qui existent entre les transformateurs, les distributeurs et que ça soit répercuté jusqu'aux producteurs. C'est une loi qui existe. Il suffit juste de l'appliquer, de faire des contrôles, appliquer des sanctions pour les gens qui ne respectent pas la loi. On demande à ce que l'État fasse son travail", explique Frédéric Vincent, vice-président de la FDSEA 49. Julien veut un vrai discours du Premier ministre. "Ce qu'il nous raconte que ça soit du vrai et pas que du pipo. Il y a un ras-le-bol, ça pourra pas continuer des années comme ça". 

Les syndicats pointent du doigt aussi la superposition des normes européennes et française. "On arrête ça ! On a assez de normes qui s'imposent à nos exploitations. Un exemple, le classement des zones humides. C'est une directive européenne qu'est en cours. Certains pays ont classé entre 0,5 et 1 % de leur superficie agricole utilisée (SAU). En France, on est à 30 % de la SAU classée en zone humide. Les contraintes, on ne les connaît pas toutes, mais elles arriveront au fûr et à mesure. On va classer des territoires au niveau européen et après l'Etat français va rajouter des contraintes pour nous empêcher de produire. Il faut mettre un holà sur la surenchère administrative", lâche le vice-président du syndicat. 

 

 

 

En parallèle, des manifestants ont rendu visite aux supermarchés de plusieurs villes. C'est le cas à Segré, dans le Leclerc, au Super U et au Lidl, une trentaine d'agriculteurs a procédé à l'étiquetage des produits étrangers et barré le logo des marques "peu rémunératrices". "C'est le même packaging. La différence, c'est que là, c'est un produit français avec du cochon français et le logo. L'autre, c'est un cochon de l'Union européenne. C'est trompé le consommateur. C'est vraiment une histoire d'intégrer des produits européens avec un packaging français. La marge, pour eux, est plus élevée sur le cochon européen que du cochon français. En fait, aujourd'hui, on se rend compte que tout est une histoire de marketing et tout est bon pour flouer les produits français. Vous vous rendez compte pour le consommateur, la seule distinction, c'est le macaron bleu blanc rouge, vous croyez que le consommateur regarde ça", montre Mickaël Bauland, éleveur de blonde d'Aquitaine à Chazé-sur-Argos. 

 

Position différente chez la Confédération paysanne 

 

Mais les sons de cloche diffèrent au sein même de la communauté des agriculteurs. La Confédération Paysanne, qui défend une vision plus écologiste de l'agriculture, met en garde "sur deux mirages proposés aux agriculteurs et agricultrices par la FNSEA et la Coordination Rural e : celui d'une "suppression des normes" qui résoudrait tous les problèmes et celui d’un revenu complémentaire issu de la production d'énergies. La réelle problématique est notre revenu , issu de notre activité agricole elle même, pas l'existence de normes", écrit le syndicat. 

Pour le syndicat paysan, cette crise est "engendrée par les politiques économiques ultralibérales, menées depuis plusieurs décennies par l'Union européenne et l'Etat, en cogestion avec la FNSEA au niveau national". Hier soir, la Confédération paysanne a rencontré le préfet du Maine-et-Loire Philippe Chopin pour demander l'arrêt définitif des négociations de l'accord de libre échange entre l'Union européenne et le Mercosur. "Tous les accords, en vigueur et en négociation, doivent être réexaminés quant à la concurrence déloyale qu’ils créent, y compris au sein de l'Union Européenne", précise le communiqué. La Confédération réclame aussi une loi, "interdisant enfin l'achat de nos produits agricoles en dessous de leur prix de revient. La loi espagnole sur les chaînes alimentaires est un exemple possible d'instauration de prix planchers". Il demande aussi la garantie des protections des terres agricoles "contre les rentiers de l'énergie, notamment concernant le scandale desserres abandonnées de Bourgneuf en Mauges".

Gabriel Attal devrait s'exprimer demain. Les syndicats FDSEA et JA jugeront ensuite s'ils maintiennent ou non les blocages.