Maine et Loire

Journée mondiale de prévention au suicide : un nombre record d'appels qui inquiète l'association angevine SOS Amitié

En 2024, l'association SOS Amitié qui œuvre à la prévention au suicide a comptabilisé 3,7 millions d'appels. En Anjou, les bénévoles constatent une détresse chez les jeunes et une violence accrue. Ils recherchent des écoutants.

Publié : 10 septembre 2025 à 15h23 - Modifié : 12 septembre 2025 à 10h28 Alexis Vellayoudom

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SOS Amitié Angers-Saumur recherche de nouveaux bénévoles face à l'afflux d'appels
Crédit : Alexis Vellayoudom

Un chiffre record... et il n'y a malheureusement pas de quoi s'en réjouir. En 2024, SOS Amitié, une association d'aide d'urgence psychologique qui aide dans la prévention au suicide, a comptabilisé près de 3,7 millions d'appels sur l'ensemble du territoire français, soit un appel toutes les 9 secondes. Jeunes en détresses, personnes âgées isolées ou démocratisation de la violence, les bénévoles de l'antenne Angers-Saumur font le point en cette Journée mondiale de prévention au suicide et lancent un appel aux bénévoles. Entretien avec Danielle Gay, présidente de SOS Amitié Angers-Saumur et Philippe Pareige, responsable communication. 

 

SOS Amitié a enregistré un nombre record d'appels en 2024. Que pouvez-vous nous en dire ?

 

DG : "Alors, 2024 a été une année malheureusement record. Les personnes qui appellent ne sont pas toutes des personnes qui ont des idées suicidaires. Cependant, les jeunes expriment des idées suicidaires beaucoup plus que le reste des autres personnes, qui nous appellent. Par exemple, chez les -25 ans, 23 % des appels sont en lien avec le suicide contre 6 % au niveau global. L'expression de la violenc représente aussi 20,6 % des appels, c'est beaucoup plus que chez les autres profils de la population. Globalement, ce qui revient le plus, ce sont les personnes isolées ou avec un sentiment de solitude, ceux ayant des souffrances psychiques, des problèmes relationnels. On voit aussi une augmentation des problèmes relationnels au sein des familles, avec le voisinage, sur le lieu de travail."

 

Vous sentez aussi que le passage à la violence est plus facile ? 

 

PP : "Je ne sais pas si le passage à la violence est plus facile, mais cette violence est beaucoup plus présente dans les mots, dans la façon dont les gens s'expriment. Ca se voit aussi avec avec les réseaux sociaux. On est prêt à se battre pour une place dans la queue. On sent une violence intériorisée. Par exemple, lorsqu'on est en appel, les gens ont besoin d'exprimer une certaine violence verbale et peuvent le faire, sans risque d'être connus et reconnus. Et là aussi, on peut se dire que SOS Amit permet peut-être à ces gens de libérer des mots violents, et de ne pas les libérer vis-à-vis d'autres personnes, ou éventuellement de ne pas passer à l'acte. Ces personnes appellent l'association quand elles n'en peuvent plus.

Et c'est vrai que, finalement, on peut se dire qu'en étant aux côtés de toutes ces personnes, on évite, tout au moins on l'espère, certaines personnes de passer à l'acte vis-à-vis du suicide, mais aussi peut-être, à l'acte concernant des violences, vis-à-vis d'autrui, ou vis-à-vis d'eux-mêmes, parce qu'il y a le suicide, il y a aussi le fait de se faire mal à soi-même, par les scarifications. On est une sorte de soupape face à cette violence. La dernière chambre avant le passage à l'acte."

 

Les jeunes ont davantage d'idées suicidaires
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Vous évoquez parmi les raisons qui reviennent souvent l'isolement. C'est paradoxal dans un monde où on a jamais été autant connecté avec les autres ?

 

DG : "Ce que l'on perçoit, c'est une soif d'écoute. On a vraiment l'impression qu'il y a bien sûr des personnes qui sont isolées, mais que même les personnes qui sont entourées, qui ont une famille, qui travaillent, et bien finalement elles se sentent seules. Et elles ont besoin d'appeler SOS Amitié pour pouvoir se confier sur leurs difficultés, leurs angoisses, sur leur chagrin d'amour aussi. Des personnes qui vivent un deuil aussi, ont l'impression qu'elles ne peuvent plus se confier aux gens qui sont autour d'elles. D'ailleurs dans les raisons d'appel, on voit qu'il y a une évolution nette autour de la souffrance psychique et des problèmes relationnels."

 

Aujourd'hui, SOS Amitié c'est 45 bénévoles dont 39 écoutants, et vous lancez de nouveau un appel à vous rejoindre. Qu'est-ce qui fait un bon écoutant ? 

 

DG : "L'écoute SOS Amitié est une écoute spécifique, une écoute bienveillante, c'est une écoute sans jugement, sans conseil. On n'est pas là pour dire aux gens ce qu'ils devront faire, surtout pas. Nos entretiens doivent être non directifs, c'est centré sur la personne . Il n'y a aucune visée thérapeutique. C'est la personne qui appelle qui guide l'appel. Ce que peuvent faire les écoutants, c'est essayer d'ouvrir des portes, en reformulant un peu ce que la personne leur a dit. C'est cet état d'esprit de tolérance également, parce qu'il faut être capable d'accueillir les propos de personnes qui peuvent être très loin de nous, très loin des convictions personnelles que l'on peut avoir, en sachant que SOS Amitié est une association areligieuse, apolitique, on accueille tout le monde."

 

PP : "Pour moi, il y a des aptitudes importantes à avoir. Il faut faire preuve de tolérance, d'empathie, d'humanité et de respect, car on tombe parfois sur des gens qui vous parlent cruement. Il faut respecter ça et savoir mettre la distance nécessaire pour remplir notre mission. Notre but, c'est de libérer la parole, faire dire l'indicible."

 

 

Quel est le rôle d'un écoutant ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Il y a des formations ? 

 

DG : "On ne le lâche pas un écoutant dans la nature. Il passe par une formation de 100h, moitié théorique et l'autre en pratique et ça pendant 5 mois. Souvent, c'est au bout de cette formation que les gens se rendent compte ou non si la mission correspondant à leurs attentes et s'ils ont les aptitudes pour le faire. L'idée, c'est aussi de développer des compétences et d'intégrer nos règles. La plus important, c'est confidentialité, l'anonymat. La personne au bout du fil, on a très peu d'informations sur elle et on ne doit pas lui demander. D'ailleurs, les gens qui appellent et tombent sur nos écoutants, ne sont pas forcément du département. Enfaîtes quand quelqu'un appelle, il tombe sur une plateforme nationale qui redirige vers des écoutants de tout le territoire français."

 

Il faut aussi être solide pour emmagasiner cette souffrance ? 

 

PP : "Je ne dirai pas ça. On reste humain. Il faut accepter l'idée qu'on est juste une écoute et qu'une fois que l'appel se termine, un autre arrive. Il faut passer à autre chose. Et puis quand on passe le relais à un autre écoutant, c'est une aussi une sorte de SAS de décompression. On peut échanger, l'autre peut nous aider. Et pour tous les bénévoles, il y a aussi un entretien obligatoire de 2h/mois avec une psychologue professionnelle pour échanger et décharger. Après humainement, il y a certes beaucoup de souffrance, mais nos échanges restent très enrichissants."

 

Il faut de la disponibilité ?

 

DG : "Oui tout de même. La plateforme nationale est ouverte 24h/24, 7j/7. Au niveau local, on a un planning. On doit accorder 1/2 journée par semaine, ça fait 150 heures par an. On demande aussi à ce qu'un écoutant assure quelques gardes de nuit. Nous avons un local à Saumur et deux pièces à Angers qui sont confidentielles.

 

Si vous souhaitez être aidé vous pouvez vous rendre sur le site SOS Amitié et cliquer sur l'onglet "j'ai besoin d'aide" ou appeler au 09 72 39 40 50/02 41 86 98 98.