Journée nationale des prisons. Pour former à la justice restaurative, l'IFJR a ouvert une antenne en Pays de la Loire

Depuis 2014, la justice restaurative permet aux détenus et aux victimes de dialoguer dans un espace sécurisé. En octobre, l'IFJR s'est installé en Pays de la Loire pour former des professionnels à encadrer ce type de rencontre, mais aussi informer le grand public sur ce dispositif.

23 novembre 2023 à 16h19 - Modifié : 23 novembre 2023 à 17h24 par Alexis Vellayoudom

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Le film Je verrai toujours vos visages, sorti récemment, met en lumière la justice restaurative
Crédit : Jeanne Herry-Christophe Brachet-2022–CHI-FOU-MI PRODUCTIONS–TRESOR FILMS–STUDIOCANAL–FRANCE 3 CINEMA

L'exercice existe plusieurs années, mais il faudra encore du temps pour la faire connaître auprès du grand public. Depuis 2014, victimes et auteurs d'infractions peuvent participer à la justice restaurative. Une fenêtre de dialogue sécurisée et encadrée par des professionnels formés. En mars dernier, le film de Jeanne Herry Je verrai toujours vos visages mettait des images sur ce qui se déroulait dans ces temps cloisonnés. Depuis, en octobre 2023, l'Institut français pour la Justice restaurative (IFJR) a ouvert une antenne Nord-ouest pour former des professionnels et développer le dispositif en Bretagne et en Pays de la Loire. Entretien avec Pauline Viot, coordinatrice de l'antenne Nord-ouest pour l'IFJR.

 

La justice restaurative existe depuis 2014, mais l'exercice reste encore très méconnu. Pouvez-vous le définir. 

 

"La Justice restaurative, elle offre aux personnes victimes et auteurs d'infractions pénales, un espace de dialogue qui est sécurisé, volontaire et confidentiel pour qu'ils puissent échanger autour des répercussions de l'infraction. Ca va leur permettre de poser les questions du comment et du pourquoi, et de tenter d'y répondre et ça vient complément de la justice pénale."

 

Comment elle est mise en place ? 

 

"Le dispositif se décline sous plusieurs possibilités. Les principales en France, ce sont les médiations restauratives et les rencontres condamnés/détenus/victimes. La médiation restaurative, c'est un auteur et une victime qui se connaissent et sont liés par la même affaire. Les rencontres condamnés/détenus/victimes, ce sont trois ou quatre auteurs, et trois ou quatre victimes qui ne se connaissent pas. Elles ne sont pas liées par les mêmes affaires, mais elles sont concernées par le même type d'infraction. Avant de les faire se rencontrer, il y a tout un processus de préparation. Ils sont préparés par des animateurs formés qui vont les préparer pour aller vers les ou la rencontre. Pour condamnés/détenus/victimes, il y a plusieurs rencontres alors que pour la médiation restaurative, il y a une seule rencontre et la rencontre n'est pas obligatoire. Le dialogue peut aussi se faire via courrier, visio, si c'est la volonté des personnes, mais le processus de préparation peut être long puisqu'il y autant d'entretiens nécessaires avec chaque participant, individuellement, pour qu'il soit prêt et qu'il puisse venir à la rencontre et que la rencontre soit sécurisée."

 

Ces rencontres sont encadrées par qui ? 

 

"Les animateurs formés, généralement, sont des conseillers d'insertion et de probation ou bien des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Ca peut aussi être des salariés d'associations d'aide aux victimes ou de contrôle judiciaire. Ils sont formés par l'IFJR ou par tout autre organisme reconnu par le ministère de la Justice."

 

 

Côté détenu, c'est un dispositif décorrélé de la peine ? 

 

"Exactement. C'est un processus qui est volontaire et qui n'a pas d'impact sur la procédure pénale. C'est en complémentarité de la justice pénale et ça n'a aucune incidence sur la peine d'une personne auteur et ça n'a pas d'incidence non plus sur l'octroi des dommages et intérêts des victimes."

 

Vous avez déjà animé une mesure de médiation restaurative. Qu'est-ce qui en ressort, ça aide vraiment les gens ? 

 

"Le premier bénéfice qui est commun aux personnes, c'est vraiment l'apaisement qu'a permis le dialogue. Après, pour les personnes victimes, il y a souvent le sentiment d'être écouté, entendu, compris. Ca peut diminuer le sentiment de culpabilité ou de honte. Le sentiment de peur aussi. Ils peuvent avoir une sensation de reprendre le pouvoir sur leur vie. Et puis pour les auteurs, il y a une prise de conscience des répercussions de l'infraction, du vécu des victimes. Ca peut donner plus de sens à leur sanction pénale et leur donner une meilleure estime de soi aussi."

 

Depuis octobre, vous êtes à la tête de la nouvelle antenne Nord-ouest de l'IFJR. Quelles sont vos missions ?

 

"Ma mission, ça va être d'accompagner les différents partenaires dans la mise en place de la justice restaurative. La première étape, ça va être la signature d'une convention de partenariat entre les autorités judiciaires, le service pénitencier d’insertion et de probation, la protection judiciaire de la jeunesse, les associations d’aide aux victimes, les avocats et les services de police et de gendarmerie. Pour ensuite mettre en oeuvre la justice restaurative, il va falloir former des professionnels, puis informer le public concerné sur leur droit et la possibilité de bénéficier de la justice restaurative. Les personnes intéressées seront orientées vers les animateurs formés. Après, je fais le point avec les différents services pour savoir où ils en sont et quels sont leurs besoins en matière de formation, d'accompagnement. Le but, c'est d'aller les rencontrer et prendre contact pour mettre en place la justice restaurative."

 

Ce jeudi à 19h, Pauline Viot participe à une conférence-débat la Bibliothèque de l'École des Beaux-Arts de Nantes Saint-Nazaire pour faire connaître au grand public ce dispositif.