La Bazouge de Chémeré. Sa cantine "rebelle" primée à un concours national
La cantine de la Bazouge de Chémeré a reçu le prix Coup de Coeur des mangeurs au concours national des Victoires des cantines rebelles. Ce prix récompense le virage qu'a pris la mairie avec 43 % de produits bios et 43 % de produits de qualité et durables.
19 octobre 2023 à 9h51 par Alexis Vellayoudom
Dans un contexte d'inflation et où les communes cherchent à réduire leurs dépenses, c'est souvent la cantine scolaire qui en fait les frais. Toutes ? Non, certains villages peuplés d'irréductibles gaulois se rebellent pour se réaccaparer l'assiette de leurs enfants. C'est le virage qu'a décidé de prendre la petite commune de la Bazouge de Chémeré, il y a maintenant trois ans. Le village vient d'ailleurs de recevoir le prix Coup de Coeur des Victoires des Cantines rebelles, un concours national organisé par l'association UnplusBio.
La cantine, une philosophie
"Nous avions un prestataire à l'origine pour lequel on était pas tout à fait d'accord avec la qualité des produits. On était pas certains qu'on aurait toujours accepté de manger ce que les enfants mangeaient le midi. Comme il y a une vraie force locale et il y a des producteurs locaux, on s'est dit pourquoi pas faire avec des produits qui viennent du terroir, avec des gens que les enfants peuvent identifier", confie Franck Legeay, ancien maire, à l'initiative du projet. Redevenu élu, sa sucesseur Marie Mandelli lui confie la tâche de poursuivre le sujet.
En 2020, la commune décide de se séparer de son prestataire. C'est d'abord une élue qui reprend la restauration pour les classes de CP, CE1 et CE2 (NDLR : La Bazouge de Chémeré est en regroupement intercommunal, (RPI), avec la commune de Bazougers). Puis le village de 530 âmes rencontre François Portier. A 57 ans, le cuisinier, qui a bourlingué dans plusieurs cantines du département, a été séduit par le projet : "le coeur du projet, c'était l'enfant. Leur redonner une nourriture saine, équilibrée où ils sont vraiment acteurs de leur service le midi avec des produits bios et locaux". D'abord à temps partiel, la mairie s'est démenée pour l'embaucher à temps plein. "Le village de la Bazouge, c'est un village où tout le monde est solidaire, où il fait bon vivre. Ici, à chaque fois, qu'il y a un évènement, ça marche", salue François.
43 % de produits bio, 43 % de produits de qualité et durables
Ce lundi midi, c'est Maël qui fait la lecture du menu. Dans l'assiette, oeuf dur bio en entrée, légumes et merlu à la crème pour le plat puis un yaourt bio sucré en dessert. Particularité pour les oeufs, c'est aux enfants d'enlever la coquille, "desfois, on mange des coquilles", s'amuse Izorine. "On apprend aux enfants qu'il y a une coquille. C'est eux qui écailent leurs oeufs. C'est déjà une victoire d'écailer un oeuf quand on est petit donc c'est meilleur à manger", précise François. Derrière les fourneaux, pratiquement tout est cuisiné maison, François travaillent 43 % de produits bio et 43 % de produits de qualité et durables. C'est plus que ce qu'impose la Loi Egalim. François retrouve du plaisir : "on a fait de la cuisine industrielle parce qu'on était plus hygiéniste que cuisinier. Et on est redevenu cuisinier. On doit se réapproprier le contenu des assiettes et surtout notre métier de base".
Dans son panier, les produits font un voyage de moins de 100 km. Du gouda de Bazougers, du pain de la boulangerie de Vaiges, des légumes de Bannes et de la viande de la Bazouge de Chémeré. Le cuisnier tente aussi de faire découvrir des produits oubliés, des nouvelles céréales, des fruits diformes, "les enfants sont hyper heureux, quand ils ont confiance, ça marche". Constat avec Louis : "j'avais jamais mangé de patate douce". Et dans les assiettes, les enfants apprécient le poisson, "j'ai tout adoré, j'ai surtout adoré la sauce", se régale Izorine. A terme, la Bazouge de Chémeré espère atteindre 60 % de produits bio et 80 % de produits en circuits courts.
Une éducation au goût, mais pas que
Dans la cantine, le service a aussi été revu, à table ou au buffet en fonction des jours. Les enfants peuvent se resservir, une fois, deux fois, "je trouve que ça leur permet d'être plus autonome. Ils peuvent vraiment goûter et reprendre s'ils aiment bien. Ca évite de mettre les mêmes portions pour tout le monde et à la fin les forcer à manger comme c'était pour nous quand on était petit", dit en souriant Marion, animatrice périscolaire. Et du coup, côté poubelle, "on génère presque tous les jours, quelque soit le menu, un quasi zéro déchet", nous montre François. Les déchets biodégradable sont valorisés. Là aussi, les enfants sont acteur, sur leur table, ils remplissent, eux mêmes, une coupelle destinée au compost, "il y a un composteur vert pour mettre tous les déchets. Le responsable de table, c'est celui qui lave la table et va le mettre dans le composteur", explique Léana.
L'éducation est d'ailleurs au coeur du projet. Chaque jour, un enfant est désigné pour lire le menu, nettoyer les tables et ramasser les serviettes. Côté animation, depuis son arrivée, François a instauré le vendredi en chanson. Pour fêter les anniversaires du mois, il prépare un gâteau avec des bougies. "Je me dis cuisinier-animateur parce que je sers ce que je fais. Je vais avec les enfants, je suis un acteur de leur vie de tous les jours avec mes collègues. Voir les enfants heureux, c'est vraiment du bonheur d'être en cuisine", insiste celui qui est originaire de Changé.
Des coûts maitrisés
Alors forcément quand le changement a été opéré, la question financière s'est vite posée. "On avait une inquiétude par rapport au prix", se souvient Franck Legeay. Aujourd'hui, le repas revient à 7 € pour la commune, les parents le paye 3,93 €, "on s'est dit que de toute façon, c'est pas les parents qui trinquent. On s'est surtout aperçu que la qualité des produits et que ce que les enfants mangent n'a rien à voir avec ce qu'il y avait avant", affirme l'élu. "On arrive à maîtriser les coûts parce qu'on a moins d'intermédiaire", confirme François.
Coup de Coeur aux Victoires des cantines rebelles
Très vite, la cantine se fait un nom dans le coin. François témoigne auprès de plusieurs mairies et cuisiniers. "En février, le CIVAM Bio nous a fait part de l'existence de ce concours. On s'est dit pourquoi pas", se souvient le cuisinier. Organisées par l'association UnplusBio, les Victoires des cantines rebelles récompensent les meilleures initiatives alimentaires. Après avoir réalisé une vidéo, retenue par le jury dont le chroniqueur culinaire Laurent Mariotte et la journaliste Natacha Polony, la Bazouge de Chémeré a été nommée dans la catégorie "village gaulois", pour les communes de moins de 12 000 habitants. Ce mercredi, elle a reçu le prix Coup de Coeur des mangeurs, attribué par le public parmi les 21 communes nommées dans les quatre catégories. Une récompense pour François et l'équipe municipale : "on connaît pas la durée de notre projet, mais au moins, on ne regrettera d'avoir lancé ce projet".