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La Ménitré. 14 000 € pour aller en Italie, la galère des personnes en situation de handicap pour voyager

Pour ses 30 ans, Lucie, infirme motrice cérébrale, s'est vu offrir un voyage de cinq jours en Italie. Le voyage lui reviendrait à 14 000 €. Pourquoi est-ce si difficile ?

Publié : 31 juillet 2025 à 11h36 - Modifié : 31 juillet 2025 à 11h49 Alexis Vellayoudom

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Pour ses 30 ans, Lucie voyagera en Italie. Un rêvé contraint par la logistique et les finances.
Crédit : Alexis Vellayoudom

Vous êtes déjà peut-être partis en vacances ou vous allez bientôt y aller, un départ qui lorsqu'on est en situation de handicap, est un vrai casse-tête. D'autant plus dans une époque où une partie de la jeunesse aspire à voyager à l'étranger. C'est la situation que rencontre Lucie David, infirme motrice cérébrale depuis sa naissance qui vit depuis en fauteuil roulant. Pour ses 30 ans, sa famille lui a offert le voyage de sa vie, cinq jours en octobre à Milan en Italie, dont elle chérie la culture. Seul hic ! Les contraintes logistiques et financières liées à son handicap. Pour quatre nuits sur place, la facture s'élève à 14 000 €, là où un voyage pour une personne valide reviendrait à moins de 1 500 € (aller-retour en train, 4 nuits d'hôtel et nourriture compris ndlr). Explications. 

 

Une logistique qui coûte cher

 

C'est un bel après-midi, quoiqu'un peu venteux, lorsque nous retrouvons Lucie dans un parc à Evron en Mayenne. Ce matin, son frère Hervé a fait la route de la Ménitré en Maine-et-Loire pour aller la chercher dans la Maison d'accueil spécialisée pour adulte, où elle séjourne à Sillé-le-Guillaume dans le département de la Sarthe. Tout un périple pour déjà permettre cette rencontre informelle sur un banc. Face à nous, une jeune femme souriante. "J'aime les sensations fortes, j'ai besoin que ça bouge", martèle la trentenaire qui a déjà prévenu son frangin, au menu de ce midi ça sera nourriture asiatique. La gastronomie, elle s'y connaît, surtout comme il s'agit de traverser les Alpes. "Avec Lucie, vous pouvez parler de pâtes, de lasagnes, pizzas, raviolis. Elle adore ça", s'amuse son frère. Le voyage en Italie sonnait comme une évidence. "Le voyage d'une vie", répète Lucie. 

 

Le périple en train pour rejoindre l'Italie
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

D'une vie, car ce voyage, au-delà du plaisir, nécessite une organisation presque militaire. "Il y a la contrainte accompagnatrice parce que malheureusement, je ne peux pas partir toute seule. Il y a le côté transport et le côté hébergement. Il faut un hébergement PMR", énumère la jeune femme. Pour partir "seule", la famille a dû faire appel à une accompagnatrice spécialisée. Coût de la partenaire, environ 1 000 €. "Et on a de la chance, car au-delà d'accompagner, elle a préparé le programme des visites", précise Hervé. La personne de confiance trouvée, vient la question du voyage. L'avion ? Impossible. Lucie a subi une arthrodèse, une tige posée dans son dos pour permettre la consolidation de ses vertèbres. Il lui faut un fauteuil spécial et des personnes pouvant l'installer. Et puis trop d'inconnus autour du fauteuil dans la soute. "J'ai peur de savoir comment on va le retrouver à l'arrivée. C'est très fragile et ça coûte super cher.

 

La difficulté pour avoir un logement adapté
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Ça sera le train. Ses parents l'accompagneront jusqu'à Paris pour ensuite prendre un TGV jusqu'à Milan. Là-aussi, la famille est contraint. "Il faut trouver le bon billet de train, mais avec des disponibilités Accès Plus. C'est un service de la SNCF où une personne vient déplier une rampe pour permettre à la personne en fauteuil de monter dans le train et il l'installe. Et ensuite, à la gare de destination, ils attendent la personne, déplient la rampe et permettent aux personnes en fauteuil de sortir. C'est une contrainte en plus parce qu'il peut y avoir de la place dans les trains, mais sans le service ce qui fait qu'on ne peut pas choisir nos horaires et donc nos tarifs. On est dépendant de la présence ou non du service", explique Hervé. 

 

"Être handicapé, c'est un luxe !"

 

Une fois arrivée, un taxi PMR devra prendre en charge Lucie et son accompagnatrice. Direction l'hôtel adapté. "Lucie a besoin d'un lit médicalisé, un lève-personne, un siège toilette. Il faut que les entrées de douche soient plus grandes, sans bac à douche. À chaque fois qu'on rajoute ces contraintes en plus, ce sont des choses qui viennent s'ajouter à la facture pour rendre possible ce rêve", souligne son frère. Une facture que la famille ne pourra pas soutenir seule. Grâce aux amis ou la vente de pots de miel donnés par des apiculteurs, ils ont déjà récolté 4 000 €. Mais ils sont encore loin du compte, alors Hervé a lancé une cagnotte en ligne

 

Comment Lucie et Hervé s'entrainent pour le semi-marathon de Laval
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

"Quand on est jeune, on se dit, "c'est facile, je vais en Italie". Mais plus je vieillis, plus je me rencontre que c'est compliqué. Chaque sortie que je veux faire, c'est tout plein de logistique", s'agace Lucie. Conscient de la problématique, son frangin, ancien chauffeur routier, a lui-même finit par se lancer dans le transport de personnes en situation de handicap en Maine-et-Loire. "Être handicapé, c'est un luxe ! Aujourd'hui, je veux proposer aux familles pas seulement un service de transport, mais aussi d'accompagnement pour les amener au cinéma, les installer dans leur siège, leur permettre d'aller faire leurs courses. Avoir une vie, faire des choses normales en réduisant les contraintes." Une philosophie qui anime la fratrie depuis des années. Lucie participe régulièrement à des événements sportifs. Prochainement, la sœur et le frère franchissent une nouvelle étape avec la participation en duo au semi-marathon des Écluses à Laval le 28 septembre. Une sorte de préparation physique au voyage de sa vie en Italie.