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Loi anti fast-fashion. Le collectif angevin Tissons à neuf suit de près les débats et appelle à une prise de conscience des consommateurs

Hier, les sénateurs sont finalement revenus au texte initial de la loi anti fast-fashion qui vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. À Angers, le collectif Tissons à neuf qui sensibilise à une mode durable, soutient cette loi, mais appelle aussi à une prise de conscience des consommateurs

Publié : 4 juin 2025 à 9h31 - Modifié : 4 juin 2025 à 20h57 Alexis Vellayoudom

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Crédit : Verrrrity

Le sénat a fait marche arrière sur la proposition de loi qui vise à réduire l’impact environnemental de la fast-fashion, cette mode jetable produite à bas coûts en Asie qui représente plus de 70 % des vêtements vendus en France. Le texte initial, sous la pression des lobbies, a été vidé de sa substance en commission sénatoriale. Mais les sénateurs ont finalement réintroduit le système de bonus/malus écologique pour pénaliser les acteurs de ce secteur avec un écoscore sur les vêtements, et l’interdiction de la publicité pour les géants asiatiques d’ultra fast-fashion comme Shein et Temu. Un soulagement pour les associations qui se disent satisfaites, tout comme l'Angevine Isabelle Munoz, artisane englobisseur-textile à L'Habit en Roses et vice-présidente du collectif Tissons à neuf qui réunit des artisans du textile et du cuir pour sensibiliser à une mode durable. 

 

Isabelle Munoz, que représente pour vous cette loi ? 

 

"Une loi anti fast-fashion, c'est forcément positif. Ça marque une prise de conscience pour agir contre une hyper production et une hyper consommation du textile. On est forcément pour, mais forcément les lobbies réagissent en toute logique pour préserver leur liberté d'action et de vendre. C'est le jeu du chat et de la souris. Le risque, c'était de voir cette loi détricotée (depuis les sénateurs sont revenus au texte initial, plus dur que celui amendé par la commission ndlr)."

 

"Ce sont ces marques là qui viennent détruire les magasins en centre-ville"
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Initialement, la loi devait s'attaquer à toute l'industrie qu'elle soit européenne avec Zara, H&M, Kiabi ou étrangère. Désormais, elle se concentre sur les géants chinois Shein et Temu, c'est un recul ? 

 

"Ce sont principalement ces deux enseignes qui sont virulentes sur ce marché et qui viennent même détruire les entreprises que vous avez citées. Il y a quand même des grandes marques de prêt-à-porter françaises et européennes qui ont mis la clé sous la porte en raison des actions très virulentes des industries chinoises. Il y a deux problématiques, les fermetures de marques européennes qui employaient des personnes sur le territoire donc des pertes d'emploi et de lieux de distribution. Dans le centre-ville d'Angers, vous prenez Camaïeu ou d'autres magasins qui ont fermé. Ce sont des lieux où on allait acheter des vêtements produits en Europe. D'autre part, le fait qu'il y ait un accès facilité, de l'envoi de l'étranger directement vers le consommateur sur des prix dérisoires. C'est toute une économie textile qui se passe en dehors des territoires européens. Au final, le marché européen est en train de couler. Nous, en tant qu'artisans locaux, on est presque une alternative et heureusement que nous sommes encore là pour faire des productions locales avec des savoir-faire locaux."

 

"Tant qu'on achètera du textile en se focalisant sur un prix, ça n'ira pas très loin la loi"
Crédit : Alexis Vellayoudom

Les sanctions que comporte cette loi sont assez virulentes ? 

 

"Je n'ai pas d'avis sur le fait que ça aille assez loin ou pas. Mais la réalité, c'est qu'en parlant de cette loi, ça permet d'avoir une prise de conscience du marché du textile. Aujourd'hui ce qui pose problème, c'est l'hyper production et l'hyper consommation, notamment de produits qui ne sont pas écologiquement durables et qui ont un impact environnemental très négatif. Ces produits sont issus de polyester ou de fibres synthétiques qui ne sont pas durables et réemployables. Tous ces déchets textiles vont s'amonceler en Afrique. C'est un gros problème. Il n'y a pas que la loi qui va régler les choses. Il faut une prise de conscience générale. Le grand public doit s'emparer du sujet. Tant qu'on achètera du textile en se focalisant sur un prix, sans faire attention à la matière, ça ne bougera pas. Tout le monde doit s'y mettre."

 

Les consommateurs doivent changer leurs habitudes ? 

 

"La cible, c'est vraiment prendre conscience de la durabilité des vêtements. La fast-fashion a une production très rapide où il peut avoir des milliers de modèles qui sortent par jour. La qualité de ces produits est réellement faite pour une obsoléscence très rapide. On ne peut pas faire durer ces vêtements, car la qualité n'est pas au rendez-vous. C'est un petit peu d'éducation sur les matières et les jeunes générations sont un petit moins au fait. Mais ils se rendent bien compte que quand ils achètent un vêtement moins cher, ils ne peuvent les porter que deux ou trois fois. Et puis il y a l'après, la seconde main, tout ce qui est réemploie en ressourcerie à Emmaüs ou la Ressourcerie des Biscottes. Ils sont submergés de vêtements. Le directeur de la Ressourcerie des Biscottes nous a indiqué que chaque semaine, 2,7 tonnes de textiles arrivent chez eux, mais seulement une petite partie peut être remise à la vente. En réalité, la ressourcerie se retrouve, en bout de course, à gérer des déchets qu'elle n'a pas produits."

 

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Isabelle Munoz, ennoblisseur textile, est vice-présidente du collectif Tissons à Neuf
Crédit : DR

Le sénat votera le texte le 10 juin, puis la loi partira en commission mixte paritaire à partir de septembre. De son côté, le collectif Tissons à Neuf va participer au festival organisé à l'automne prochain par l'association L'Âme du Fil pour mettre en avant les acteurs locaux sur la mode responsable et les alternatives à l'industrie textile. 

 

*L'entretien a été réalisé avant la modification du texte par les sénateurs