Pénurie de beurre : "on est passé à plus de 10 euros le kg", explique un boulanger de Segré
Depuis quelques mois, les boulangers ont des difficultés à s'approvisionner en beurre, d'autant que le prix augmente. Explications avec des boulangers et un producteur de lait.
Publié : 19 janvier 2022 à 17h54 - Modifié : 19 janvier 2022 à 17h55 par Alexis Vellayoudom
Vous l'avez peut-être vu en rayon lorsque vous faites vos courses, le beurre est plus cher ! Depuis 3 mois, les prix grimpent alors que la matière première pour faire vos croissants se fait rare, les premiers impactés, les boulangers. Deux boulangers de Segré et un producteur de lait mayennais nous aident à comprendre la situation.
Une pénurie qui vaut chère
Lorsqu'on pousse la porte de la Fournée de Pépé à Segré, c'est un boulanger dans l'incompréhension que l'on rencontre, "du beurre qui vient de France pourquoi il est plus cher que du beurre qui vient des Pays-Bas ?", s'agace Mickaël François. Depuis fin novembre, il est obligé d'acheter en grande quantité sous peine de manquer de beurre pour ses brioches : "aujourd'hui (13 janvier), je vais avoir 20 kg qui arrive, ça va me pousser un peu plus loin. Demain, j'ai 40 kg de beurre Isigny-Sainte-Mère donc oui évidemment je prends un peu plus, je vais être obligé de produire un peu en avance. Bref, c'est une gestion qui devient compliquée". Même constat pour à la boulangerie Courcier, "ça a commencé avant Noël. J'ai réussi à faire un petit peu de stock, j'ai eu de la chance avec mes fournisseurs, mais maintenant reste à savoir comment ça va évoluer à l'avenir", explique Eric Courcier.
La cerise sur le gâteau, le beurre manque, mais quand il arrive, il est plus cher, "il y a un an de l'AOP, je le payais environ 8 euros le kg, là on est passé à plus de 10 euros le kg", confie Mickaël François."On a été obligé de répercuter le prix sur la brioche, mais on ne peut pas répercuter sur tout parce qu'il faut penser aux consommateurs", ajoute Eric Courcier.
Et lorsque les deux boulangers interrogent leurs fournisseurs, la même réponse, "on nous dit qu'ils ne savent pas, que la Chine achète beaucoup de lait donc il y a moins de lait en France", expliquent Eric et Mickaël.
Que se passe-t-il dans la filière laitière ?
Alors qu'est-ce qui provoque cette pénurie et cette augmentation du prix du beurre ? Il faut regarder ce qui se passe dans la filière laitière. Aujourd'hui, la France destine 50 % de son lait au marché mondial où la demande est augmentation, "on a une tension, principalement dû au fait qu'il y a une augmentation de la demande de beurre et de fromage, ça a été conjugué à une baisse de la production française et européenne", explique Fabrice Deshayes, président de l'association des producteurs Célia Craon-Fougerolles.
La Chine fait parti des gros demandeurs, mais d'autres raisons sont invoquées par ce producteur de lait installé à Désertines dans le Nord-Mayenne : "il y a moins de producteurs laitiers en France dû à la démographie et le manque de rentabilité des ateliers laitier. Ça entraîne une baisse du nombre de vaches en France et tout ça entraîne une baisse sur la durée de la production laitière avec une demande qui est forte en face, ça engendre une hausse des coûts des matières premières".
Enfin, les producteurs doivent subir, depuis plusieurs mois, une augmentation de leurs charges, +10 à 15 % en moyenne quand le prix du lait a augmenté de seulement 4,5 %. Cela concerne principalement les engrais, carburant, mais aussi l'alimentaire comme le colza et le soja, "sur le soja, on a eu une augmentation de l'ordre de 25 %. À la tonne, le Soja est arrivé à 500 euros la tonne en ce début d'année alors qu'il était de l'ordre de 350 euros la tonne en début d'année 2021", complète Fabrice Deshayes. Pour être rentable, des producteurs n'hésitent pas à moins produire.
Vers une fin de pénurie et une baisse des prix ?
En résumé, pour fabriquer du beurre, il y a moins de lait, mais qui est plus cher. Une situation qui ne peut pas durer pour Mickaël François : "si je n'arrive plus à en trouver, j'ai deux choix. Je continue à faire des croissants avec du beurre hollandais, à moindre prix. Pas AOP, parce que c'est des vaches qui vont pas voir un bout de pré ou manger un bout d'herbe et donc des croissants qui vont être de qualité moindre. Ou j'arrête de produire des croissants, c'est ce qui va se passer".
"Tant pis, ça va faire un petit peu moins de marge, la comptable sera pas contente, mais on va faire avec", termine Eric Courcier.
Côté producteur, on s'attend encore à une augmentation des prix, "on risque malheureusement encore de subir des augmentations, ne serait-ce que sur l'énergie puisqu'on entend dire que sur l'année, la hausse de l'électricité serait de l'ordre de 4 %, qui devra être compensée par un prix du lait à la hausse pour que la production de lait puisse être rentable", confie Fabrice Deshayes. En revanche, la pénurie dépendra de l'évolution de la demande mondiale.