Maine et Loire

Près de Saumur. Procès du féminicide d'une militaire : Impulsif, colérique et violent, la personnalité du compagnon

Ce lundi s'est ouvert le procès en Cour d'assises de Chryssler Hiro. L'ancien militaire est accusé du meurtre de sa compagne Eléonore Places le 1er janvier 2022, près de Saumur. Ce matin, le tribunal a dressé le portrait d'un homme impulsif, violent et rongé par l'alcool.

Publié : 15 décembre 2025 à 18h29 - Modifié : 15 décembre 2025 à 18h37 Alexis Vellayoudom

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Me Hugot et Me Steyer, avocats des parties civiles
Crédit : Alexis Vellayoudom

C'était le premier féminicide de l'année 2022. Ce 1er janvier, Eléonore Places, 27 ans, est retrouvée morte dans la petite commune de Chacé, sur la commune nouvelle de Bellevigne-les-Châteaux, près de Saumur. Le rapport d'autopsie rapporte un déferlement de violence dans la nuit du Nouvel An après une soirée alcoolisée. Son compagnon Chryssler Hiro, qui avait interdiction d'entrer en contact avec elle après des violences répétées, est soupçonné de meurtre sur sa conjointe. 

 

Les faits : ce soir-là, Eléonore Places passe la soirée avec son compagnon Chryssler Hiro, militaire du 2e Régiment d'Infanterie de Marine basé à Champagné (Sarthe), chez le frère de ce dernier. Toute la journée, le trio consomme de l'alcool, de la bière, mais aussi plusieurs bouteilles de whisky. Vers 5h20, une altercation aurait éclaté entre lui et son frère à propos des relations que son frangin entretient avec Eléonore. Le meurtrier présumé assène coup de poing dans le nez de son frère, suivi de plusieurs coups. Eléonore s'interpose. Alors que le frère s'extirpe à l'extérieur de l'immeuble, Chryssler Hiro se serait retourné contre sa compagne. Il l'aurait tirée par les cheveux dans le hall de l'immeuble puis lui aurait portée 11 coups de couteaux au visage et sur le haut du corps alors qu'elle tentait de se débattre. Après avoir fui, il est finalement interpellé en fin de matinée. Chryssler Hiro est présumé innocent et reporte la faute sur son frère. La famille d'Eléonore Places s'est constituée partie civile tout comme le frère de Chrysller Hiro. 

 

Tombé très tôt dans la violence et l'alcool

 

Sûr de lui, niant toujours les faits, comme s'il avait son honneur à défendre, Chryssler Hiro est apparu ce lundi matin à la barre de la Cour d'assises de Maine-et-Loire. L'ex-militaire de 26 ans est resté debout jusqu'à la première levée de séance. Pendant cette matinée, le tribunal s'est penché sur la personnalité du meurtrier présumé. Un profil qui se construit d'abord en Polynésie française à Tahiti où il naît en 1999. "Le Pacifique, on pourrait croire que c'est le paradis, mais il y a beaucoup de problèmes", démarre l'intéressé. Chryssler Hiro est le dernier d'une fratrie de 4 enfants. Contrairement aux autres, c'est sa grand-mère qui l'éduque. "C'était comme une mère pour moi. Quelques jours après avoir appris ça, elle est décédée."

À 6 ans, son père décide de l'inscrire à la boxe où il excelle. "C'était le rêve de mon père, pas le mien. Moi, je préférais la danse traditionnelle." À la maison, de par le père, l'alcool et la violence sont omnis présents. Et ce n'est pas mieux en dehors où le jeune Tahitien est victime de violences à l'école et dans son quartier. Alors petit à petit, Chryssler Hiro va s'extirper du système scolaire, se forger une carapace pour côtoyer les bagarres de rues. Rempli de colère, croyant subir une injustice permanente, la violence impulsive va littéralement faire partie de lui. "Parlez-nous cet épisode avec la hache", demande le président du tribunal. "La musique était trop forte, ça m'a énervé, répond l'accusé. Vous savez mes parents n'ont pas réfléchi quand ils ont fait des enfants. Ils ne se rendaient pas compte de la responsabilité." L'enfant va finalement prendre la même trajectoire. L'alcool, mais avant ça, "j'ai commencé par la méthamphétamine".

 

Expérience au Mali, syndrome post-traumatique ? 

 

Sur le plan sentimental, Chryssler se met en couple avec une fille plus jeune que lui. Elle décrit un homme jaloux, possessif qui lui faisait subir régulièrement des violences, dont un violent coup dans le ventre alors qu'elle était enceinte. Leur garçon naîtra en 2018, mais il ne le reverra que très rarement, car le Tahitien décide de suivre l'exemple de son frère, qu'il exècre dorénavant, en s'engageant dans l'armée. C'est l'un des nœuds de ce dossier. Son expérience militaire l'a fragilisée davantage ? Durant son service Chryssler Hiro va partir deux fois en mission. D'abord aux Antilles puis au Mali de février à mai 2019 pendant l'opération Barkhane, avant d'être renvoyé en France suite à un nouvel épisode de violence envers un officier. "C'était un soldat solide et rustique, mais sa consommation d'alcool est devenue problématique au fur et à mesure, témoigne l'un de ses anciens sous-officiers. Il était constamment dans le rapport de force. Il pouvait être violent, mais pas avec tout le monde."

Durant ses quelques mois en Afrique, l'accusé n'est jamais confronté à des échanges de tirs avec l'ennemie, mais un épisode va le marquer. Le 19 février 2022, un véhicule de son convoi saute sur une mine. Un médecin décède à la suite de ses blessures. "Au Mali, ce n'est pas l'ennemie qui vous inquiète puisqu'on les voit jamais, mais ce sont les IED", rapporte le meurtrier présumé. À ce moment-là, Chryssler Hiro ne voit pas ce qu'il se passe, mais entend la déflagration. "Ce genre d'événement peut-il avoir un impact psychologique ?", demande Me Hugot, avocat d'une partie civile. "Ça appartient à chacun", répond son ancien compagnon d'armes. Toujours est-il que le Tahitien ne fera appel à aucune aide psychologique. En revanche, ses proches confirment un comportement qui a changé à son retour. "Avant le Mali, il était très jovial, mais après, il était totalement différent, raconte une autre ex-compagne. Il s'est renfermé, il était plus susceptible, voulait se bagarrer pour rien, et ça a décuplé son addiction à l'alcool. L'armée n'a pas joué son rôle."

 

« Je suis violent, mais je ne suis pas un criminel »

 

Cette femme qui a partagé une histoire amoureuse avec lui de 2019 à 2020, raconte un tout autre homme. "Il était doux, attentionné. Quelqu'un de simple. Je ne l'ai pas connu violent. En revanche, il avait un ego. Un peu macho." Après leur séparation, ils restent en contact. Elle devient même une sorte de confidente. "Il m'a parlé d'Eléonore. C'était une relation toxique pour l'un et pour l'autre." Termes qu'a également employés le sous-officier venu témoigner. La veille du meurtre, l'accusé a contacté son ex-compagne. "Il pleurait, c'est la première fois que je voyais une telle détresse. On aurait dû être alerté."

Après son arrestation, Chryssler Hiro continuera de déverser sa violence en prison. Des menaces envers une surveillante, une rixe, des coups portés à d'autres prisonniers. En août dernier, il frappe à plusieurs reprises un surveillant qui venait lui apporter à manger. "Il m'a dit qu'il était raciste", se justifie-t-il. Face à l'exposition de ces multiples faits de violences, l'accusé persiste dans son rôle de victime. "C'est un guet-apens. Quoique je dise, vous me chargez tout. S'il y avait la peine de mort, je la demanderai !, s'insurge t-il à la barre. Je suis violent, mais je ne suis pas un criminel." Demain, l'audience se poursuivra avec les experts et d'autres témoins. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.