Réforme des retraites : "chaque forme de mobilisation est bonne à prendre", confie Emeric, lycéen segréen du MNL 49

Pour cette 11ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites, la jeunesse veut une nouvelle fois marquer le coup.

6 avril 2023 à 12h35 - Modifié : 6 avril 2023 à 16h48 par Alexis Vellayoudom

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Emeric Durand, lycéen à Blaise Pascal, est trésorier au Mouvement national lycéen 49.
Crédit : Alexis Vellayoudom

Ce jeudi 6 avril, c'est la 11ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites. À cette occasion, les syndicats appellent à manifester dans toute la France. À Laval, ce matin, plusieurs centaines de lycéens ont bloqué les lycées Robert Buron et Réaumur avant de taper aux grilles des autres lycées lavallois. À Segré, 220 à 250 manifestants se sont rassemblés sur la place du Port, d'autres sont attendues à 11h sur la place de la Trémoille à Laval et à 14h sur place Leclerc à Angers. Une mobilisation à laquelle participera Emeric Durand, terminale AGORA au lycée Blaise Pascal de Segré. À 17 ans, le jeune homme s'est engagé en janvier dans le Mouvement national lycéen (MNL) où il est trésorier de l'équipe fédérale du Maine-et-Loire. Il explique pourquoi et livre son regard sur le conflit social qui anime le pays depuis plusieurs semaines. 

 

Emeric, tu vas participer à la 11ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Tu seras dans le cortège angevin avec le syndicat MNL. Ton engagement a démarré quand ? 

 

"Ça a commencé début janvier quand j'étais en stage. J'ai vu que l'État voulait mettre des amendes aux gens qui manifestaient contre la réforme des retraites. Et je me suis que c'était empêcher les gens de manifester. Nous, les lycéens, on n'a pas beaucoup de moyens de manifester et c'est à partir de ce moment-là que je me suis syndiqué au MNL. Avant, j'étais politisé, mais pas autant que maintenant. Dans ma famille, on avait plutôt des idées opposées".

 

Et ton regard sur cette réforme ?  

 

"On fait travailler les gens deux ans de plus. J'ai un slogan que j'aime bien, c'est "la retraite avant l'arthrite". Pourquoi on ferait souffrir les gens plus longtemps alors qu'actuellement, les gens se plaignent déjà de l'âge de la retraite à 62 ans ? Le reculer à 64 ans et fixer un taux plein à 67 ans alors qu'on nous demande aujourd'hui de faire beaucoup d'études, c'est pas possible. On commence à travailler très tard, ça veut dire qu'on doit travailler plus longtemps pour avoir une retraite à taux plein, et si c'est pas le cas on se retrouve avec une retraite indécente et ce n'est pas possible pour vivre. Il faudrait travailler toute une vie et se mettre dans des pénibilités... Pour reboucher le trou des retraites, ce qu'il faudrait, c'est taxer les 43 milliardaires tous les mois à hauteur de 2 % et le trou de la retraite serait rebouché rapidement". 

 

Il y a autre chose qui t'a poussé à t'engager ? 

 

"Oui, c'est le fonctionnement démocratique. Déjà il faut se dire que sous la Vème République, quelque ne va pas. Ce sont les fameux 49-3 et le 47-1 qui sont pour moi des choses anti-démocratiques. Le 47-1 qui laisse 50 jours pour voter une loi, ce qui n'est pas possible. Le 49-3 qui fait passer une loi sans vote, mis à part s'il y a une motion de censure adoptée par la majorité des parlementaires. Pour moi, ce n'est pas possible et surtout l'usage répété et intensif que fait le gouvernement d'Élisabeth Borne, ça ne laisse pas la place du vote dans la société. Et quand on voit que 64 % de la population est contre cette réforme des retraites, on ne peut pas tolérer l'utilisation du 49-3 à outrance pour faire passer quelque chose que les gens ne veulent pas".  

 

 

Tu défends un référendum d'initiative populaire ? 

 

"Complètement ! Le référendum, c'est la meilleure chose à faire ou alors, tout simplement, faire passer la loi comme une loi normale, ça veut dire par le vote des parlementaires. Il faudrait aussi que l'État écoute les syndicats".

 

Les syndicats, justement, en sont à leur 11ème journée de mobilisation. Des manifestations marquées par des violences, quel est ton regard là-dessus ?

 

"Il y a des violences des deux côtés, de la part des manifestants comme de la police. Pour moi, ce n'est pas l'humain qui est mis en cause, c'est le fonctionnement de la police parce qu'on leur demande d'être violent, leurs ordres sont très flous et derrière, ça crée des bavures policières. Ça n'a rien à voir avec les retraites, mais à Sainte-Soline (NDRL : manifestation contre les méga-bassines), il y a eu quelques voitures de gendarmerie brûlées par les manifestants..."

 

Et une quarantaine de policiers blessés selon la préfecture des Deux-Sèvres.

 

"Et une quarantaine de policiers blessés, mais à côté de ça, il y a des centaines de manifestants blessés, des personnes amputées, des personnes éborgnées ou dans le coma. Je préfère dire que la balance va en faveur des manifestants plutôt qu'en faveur des policiers qui eux, ont beaucoup plus de choses à se reprocher".  

 

 

Est-ce qu'aujourd'hui, tu sens encore que manifester, ça sert à quelque chose ? 

 

"Oui, manifester ça sert à quelque chose, mais la chose la plus utile, c'est la grève. Ne pas aller travailler, c'est pas donner de l'argent aux entreprises, ne pas donner de l'argent aux entreprises, c'est ne pas apporter de profits et ne pas apporter de profits, c'est faire une perte financière pour la France. Sachant que là, on est sous une société capitaliste, la France cherche juste à gagner de l'argent et ne pas leur donner de l'argent, ça va embêter les grands milliardaires. Si ceux-là ne gagnent plus d'argent, derrière, ce sont eux qui vont aller voir directement le gouvernement et dire : "on est en train de perdre de l'argent et l'influence qu'on peut avoir, faites quelque chose". Et ce quelque chose, ça serait, retirer la réforme des retraites".

 

Tu parlais de Sainte-Soline, dans les manifestations, il y aussi des personnes de plus en plus violentes. Pour toi, ça aide dans la contestation, ça fait bouger les lignes ?

 

"Faut se dire quelque chose : les manifestations, c'est très utile pour montrer qu'on est là dans la rue, montrer le nombre de jeunes qui sont contre et le profil de chacun. Les violences ne sont pas le seul moyen. Après, j'ai des vidéos que j'ai postées où on voit les CRS qui sortent des chiens pour faire peur aux manifestants et derrière, ils continuent de balancer des lacrymogènes. J'ai des photos de gens en sang. Et voir ça, ça me donne plus de colère qu'autre chose. On est sur quelque chose qui n'est pas égalitaire et un État autoritaire, quitte à blesser. Et la population est plus en plus violente parce que la peur engendre la haine et la haine engendre la révolte. Le peuple est en train de se révolter et dire, on veut du changement au niveau du fonctionnement de nos politiques. C'est une crise démocratique. Chaque forme de mobilisation est bonne à prendre et il faut quand même se dire, malheureusement, que les autonomes ou les casseurs, c'est eux qui font le plus de dégâts, c'est un fait, mais c'est eux qui marquent les actions. C'est grâce à ces gens que l'État s'inquiète. Parce que si on fait des manifestations pacifiques, l'État va juste dire, ils sont beaux, ils sont mignons, mais ils vont rien faire de mal. Ils vont juste aller dans les rues et deux jours après, ils vont retourner travailler. Sauf que ça ne marche pas comme ça et quand la population est énervée, elle le montre d'une manière ou d'une autre. Malheureusement et heureusement en même temps, parce qu'il y a du pour et du contre, il y a des gens qui utilisent la violence pour le montrer". 

 

Selon les premiers chiffres, 220 à 250 manifestants étaient à Segré ce jeudi matin et plusieurs centaines à Laval.