Pollution plastique. "Il faut se passer de tout ce qui est inutile" pour le député angevin Philippe Bolo

Mardi, de nouvelles négociations pour un traité international visant à mettre à terme à la pollution plastique se sont ouvertes à Ottawa au Canada. Quels sont les enjeux ? Entretien avec Philippe Bolo, député de la 7ème circonscription du Maine-et-Loire

24 avril 2024 à 18h26 par Alexis Vellayoudom

Philippe Bolo lors d'une visite au Pôle innovation de L'Oréal

Crédit : DR

Objectif, mettre fin à la pollution plastique d'ici 2040 ! Depuis mardi, les états sont réunis à Ottawa au Canada où se déroule la 4ème séquence des négociations pour un traité international visant à mettre à terme à la pollution plastique. Une réunion que suit de près le député de la 7ème circonscription du Maine-et-Loire Philippe Bolo. Auteur en 2019 du rapport "Pollution plastique, une bombe à retardement ?", il a depuis mené un travail approfondi sur le sujet à l'Assemblée nationale et initié, en décembre 2023, la création d'une Coalition parlementaire internationale sur le sujet, dans laquelle sont rassemblés 22 parlementaires de 14 nationalités. Entretien. 


 


Philippe Bolo, quels sont les objectifs de ces négociations à Ottawa ? 


 


"Il y a des grandes lignes qui commencent à se dessiner. La première, c'est qu'on arrivera à mettre fin à cette pollution qu'en réduisant la quantité de plastique produite. Les chiffres sont là. En 2019, sur la Terre, on produisait, chaque année, environ 460 millions de tonnes de plastique. Et, si on ne fait rien, en 2060, ça sera multiplié par trois. Quand on sait que 80 % de ces plastiques deviennent des déchets dans l'année qui vienne, on imagine les montagnes des déchets qu'il faut gérer. Donc pour arriver à réduire la pollution, il faut réduire la quantité de plastique produite. Je ne parle pas de se priver de tous les plastiques au quotidien. Certains sont indispensables comme dans la santé, l'isolation des bâtiments, les énergies renouvelables, l'observation de la terre avec les satellites, mais il faut se passer de tout ce qui est inutile et produit des déchets très vite. On pense à deux choses, les emballages à usage unique et à durée de vie courte, non-recyclable. Tous ceux qui nous irritent dans notre quotidien quand on voit les emballages de l'alimentation qu'on peut acheter. C'est aussi tout ce qu'on appelle la fast-fashion avec tous ces habits qui sont en textile synthétique. C'est la même matière que les bouteilles en plastique et qui deviennent des déchets très rapidement. Et ensuite, il y a des objectifs d'économie circulaire, je réduis, je réemploi, je répare et je réutilise et puis je recycle quand ça devient des déchets". 


 


Quelles seront les conséquences dans le quotidien des gens ? 


 


"Ce que va porter le traité, ce sont des choses qui existent déjà en France. On fait partie de ceux qui sont en avance. En 2020, on avait voté la loi AGEC, anti-gaspillage et pour l'économie circulaire, avec des mesures déjà prises, l'interdiction des pailles en plastique, toutes sortes d'objets en plastique dont on peut se passer sans revoir notre mode de vie. Le traité international va permettre de changer les choses dans d'autres pays où il n'y a pas la législation nécessaire. En gros, on va interdire un certain nombre de produits, totalement inutiles que nos grands-parents n'avaient pas". 


 


Vous dîtes que la France est en avance, mais certaines lois ne sont pas encore totalement appliquées. L'exemple des fontaines à eaux dans les établissements recevant du public pour éviter les bouteilles à usage unique. L'association No Plastic in my Sea relève dans son rapport que 3/4 des établissements concernés ne respectent pas la loi. Est-ce qu'il n'y a pas déjà un souci pour faire respecter la loi ?


 


"Vous avez raison de préciser que ce n'est pas parce qu'on vote une loi que tout va se dérouler naturellement par la suite. Nous, parlementaires, on doit être vigilant avec l'évaluation des lois qui sont votés, c'est en cours sur la loi AGEC. Et après ce bilan, on pourra interpeller le gouvernement pour les pousser à prendre les décrets plus rapidement. C'est un sujet important". 


 


Pour vous, l'objectif d'ici 2030, de réduire de moitié les bouteilles à usage unique, c'est réalisable ?


 


"C'est réalisable, mais ça passe par mieux récuperer les bouteilles utilisées pour les réutiliser et éviter d'en créer des nouvelles. Ça part aussi d'un autre principe. Aujourd'hui, on a beaucoup de Français qui achètent de l'eau en bouteille alors qu'ils ont au robinet une eau d'excellente qualité. Et parfois, il paye trois fois la même chose. C'est-à-dire que quand ils achètent l'eau en bouteille, ils l'achètent plus chère que l'eau du robinet. Quand ils payent leurs impôts locaux, ils payent pour avoir une eau de qualité par la politique territoriale, mais ils payent aussi des impôts pour gérer leurs déchets et leurs bouteilles deviennent des déchets. Se passer de la bouteille d'eau et utiliser l'eau du robinet chez soi, c'est faire des économies sur ce qu'on achète dans les grandes surfaces et aussi ce que l'on paye pour faire de l'eau potable et gérer nos déchets, donc pour répondre à votre question, c'est un objectif atteignable, mais qui passe par mieux récupérer les bouteilles et utiliser davantage l'eau du robinet". 


 


Ce traité est présenté comme "contraignant juridiquement", ça veut dire quoi ? 


 


"Ça veut dire que les entreprises qui produisent le plastique ou qui transforment ce plastique en objet qui serait interdit, pourraient être sanctionnées". 


 


De telles sanctions pourraient exister malgré la forte pression des lobbies ? En France, par exemple, depuis 2022, il y a une interdiction des emballages pour certains fruits et légumes, c'est encore mal appliqué. Le lobby du plastique est puissant ? 


 


"Le lobby du plastique, ce n'est pas tant lui le problème. Il y a aussi les distributeurs qui mettent en marché les produits et qui peuvent être contrariés par les dispositifs que l'on prend, notamment les distributeurs des fruits et légumes. Ce sont plutôt eux qui rechignent que les producteurs d'emballages eux-mêmes. C'est une question de bon sens aussi et la réponse se trouve aussi chez les consommateurs. Est-ce qu'on a nécessairement besoin d'emballer des pommes de terre, des carottes ? Les générations qui nous ont précédées, n'ont pas connu des emballages. On peut se demander la pertinence de ces emballages. C'est plus des arguments d'ordre commercial et marketing qu'une nécessité absolue. Alors que sur d'autres fruits et légumes, c'est indispensable, comme les framboises. Il y aussi du bon sens à regagner". 


 


Du bon sens parce que c'est aussi un enjeu de santé ? Selon WWF, un humain ingérerait cinq grammes de plastique par semaine.


 


"C'est une étude à nuancer, mais oui, on voit sortir régulièrement des articles scientifiques qui nous indiquent que la pollution plastique, via les micro plastiques produits, on la retrouve partout, dans l'air, le sol, l'eau, la mer, et bien sûr dans notre alimentation. Des scientifiques ont prouvé qu'on retrouvait ces microplastiques dans notre placenta, dans nos cerveaux, dans le sang, les poumons. Il y a chaque jour des avancées scientifiques sur ces microplastiques et les conséquences sur notre santé. On ne peut pas dire parce qu'on ne connaît pas, il ne faudrait rien faire. Limiter la pollution plastique visible, c'est limiter la pollution plastique invisible et ses impacts sur la biodiversité et notre santé".