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En Anjou. Pesticides, mégabassines, la sidération du réseau Nourrir 49 après la motion de rejet de la loi sur les contraintes de l'agriculture

Après le vote de la motion de rejet des députés sur la loi amendée sur les contraintes de l'agriculture, c'est le texte initial qui va passer en Commission Mixte Paritaire. Un scandale démocratique pour le réseau Nourrir 49 qui rassemble des structures en agriculture biologique et paysanne.

Publié : 28 mai 2025 à 8h22 - Modifié : 28 mai 2025 à 8h28 Alexis Vellayoudom

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Le réseau Nourrir 49 se mobilise contre le texte initiative de la Proposition de loi Duplomb
Crédit : Alexis Vellayoudom

Une obstruction parlementaire pour les uns, un déni démocratique pour les autres. Cette proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), ancien cadre de la FDSEA de Haute-Loire, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur avec entre autres, la réintroduction à titre dérogatoire de certains pesticides néonicotinoïdes, cristallise les tensions entre deux visions de l'agriculture. Hier, les députés d'extrême-droite, de droite et une partie du parti présidentiel, favorables au texte initial, ont décidé de voter la motion de rejet préalable à l'examen du texte pour éviter que soit débattu à l'Assemblée nationale les plus de 3 000 amendements déposés par l'opposition de gauche et notamment les écologistes, mais aussi accélérer son acceptation. La proposition de loi sera donc étudiée en Commission mixte paritaire, sans amendements. En Anjou, le réseau Nourrir 49 qui réunit 12 structures de l'agriculture biologique et paysanne est sidéré par cette manœuvre. 

 

Un piétinement du débat démocratique ? 

 

"Ça me met en colère qu'il n'y ait pas eu de débat démocratique et qu'on essaye de contourner le débat. On accuse l'opposition de faire obstruction, mais ce sont des amendements pour essayer d'améliorer ce texte de loi qui n'était pas entendable en l'état", lâche Mélanie Bonsergent, arboricultrice au Lion d'Angers et présidente du GABB Anjou qui oeuvre pour développement de l'agriculture biologique sur le territoire. Sur les pancartes amenées par les militants, on peut lire : "de la légèreté en agriculture ? Retirons Duplomb !". À côté, Typhaine Joly, porte-parole de la Confédération paysanne 49, ne mâche pas ses mots : "ça me scandalise ! On a des outils démocratiques et le fait que des députés ont décidé de piétiner ces outils démocratiques pour je ne sais pas, peut-être partir en week-end à l'Ascension, me sidère". 

 

"Les députés ont piétiné l'outil démocratique"
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Mégabassines et taille d'élevage

 

Elles s'étaient battues avec le réseau Nourrir 49 pour que ce texte puisse évoluer. "Dans sa version modifiée, la loi proposait des choses intéressantes comme le moratoire sur les mégabassines. Et ce n'est pas quelque chose de compliquer, c'est juste demander à ce que tous les acteurs concernés soient autour d'une table et échange. C'était chouette de voir ça apparaître", confie Typhaine Joly. Un moratoire qu'il faudra oublier, le texte va être étudié dans sa version initiale avec entre autre la facilitation des projets de stockage d'eau comme les méga-bassines ou encore la hausse des seuils pour augmenter la taille des élevages de volailles et de porcs. "On a beaucoup entendu que cette loi était faite pour le monde agricole. Absolument pas, ça concernait une minorité en France. Les grandes exploitations de volailles ou de porcs, ça se compte sur les doigts d'une main en Anjou. Ça ne répond pas aux attentes du monde agricole, notamment sur la question du revenu et des installations. Aucun de ces sujets n'a été abordé dans cette loi", explique l'agriculture du Bourg d'Iré. 

 

Les néonicotinoïdes au coeur du débat

 

Sur la réintroduction à titre dérogatoire de certains pesticides néonicotinoïdes, les défenseurs du texte mettent en avant la filière de la noisette. Mais pour la Confédération paysanne, c'est un non-sujet. "Il y a 190 producteurs en France. C'est une image qu'est un peu sexy, mais ça cache la filière de la betterave sucrière de Beauce qui eux ont besoin de ce produit parce que sur leurs monocultures intensives de betterave, ils sont en train de se casser la gueule donc ils voulaient qu'on remette ce produit. Je les attends l'année prochaine ces producteurs, on va les entendre parce qu'il y aura eu surproduction et donc baisse des prix sur le marché.

 

Une incohérence des politiques selon Mélanie Bonsergent
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Une mesure que déplore aussi Mélanie Bonsergent : "on revient en arrière. On entend partout qu'on ne sait pas exactement leur dangerosité, mais justement à défaut, il y a un principe de précaution qui s'applique. En plus, les études scientifiques le montrent, ça favorise la disparition des abeilles et de tous les insectes pollinisateurs. En 30 ans, il y a 80 % des insectes qui ont disparu en Europe. Ensuite, on va en retrouver dans les sols, dans l'eau et après, on va utiliser des millions d'euros pour dépolluer, dans un contexte où on nous parle de restrictions budgétaires. Il y a un manque de cohérence criant".

 

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Les militants dénoncent aussi un conflit d'intérêt entre le sénateur qui porte la loi et la FNSEA
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Le réseau dénonce une loi favorable à l'agro-business. "La filière de la betterave sucrière va fabriquer du sucre pour l'agro-industrie, Coca-Cola, Ferrero. Ce sucre, on l'exporte majoritairement pour fabriquer des gâteaux, des sodas qui vont contribuer l'obésité, à développer le diabète de type II contre lesquels on va essayer après de lutter", s'agace l'arboricultrice (ndlr : Selon une récente étude, l'obésite en France coûterait plus de 12 milliards d'euros). "J'aimerais bien que les agriculteurs arrêtent de se faire duper", clame la Confédération paysanne. De son côté, la FDSEA 49, favorable au texte, demande au gouvernement d'accélérer et de donner une date pour la Commission Mixte Paritaire.