Maine et Loire

En Maine-et-Loire. "Il y a urgence" sur les grèves de Loire pour protéger les populations de sternes

Depuis février, un arrêté de biotope restreint l'accès aux grèves de Loire, notamment d'avril à août pendant la période de migration des sternes, mais les associations et organisations de protection constatent toujours des incivilités qui menacent ces populations et l'écosystème.

Publié : 1er juillet 2025 à 23h01 - Modifié : 7 juillet 2025 à 15h43 Alexis Vellayoudom

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La police de l'environnement multiplie les contrôles pour faire respecter l'arrêté
Crédit : Alexis Vellayoudom

"La situation est un peu désespérante", se désole Sophie Tubiana. La présidente du Parc naturel régional Loire Anjou Touraine ne passe pas une semaine sans avoir écho d'incivilités sur les grèves de Loire, ces bancs de sable qui émergent à la surface de la Loire pendant la période estivale. Pourtant, en février dernier, le préfet du Maine-et-Loire Philippe Chopin a reconduit un arrêté de biotope. Celui-ci protège 60 % de territoire en plus, soit 2 403 hectares sur le site Natura 2000 allant de La Daguenière à Montsoreau et restreint davantage l'accès à certaines grèves identifiées et certaines activités, notamment pendant la période d'avril à août, lorsque les sternes pierregarins et naines viennent y pondre leurs œufs. Les associations saluent cette décision, mais souhaitent maintenant que la population et le secteur du tourisme s'en emparent. 

 

Des oiseaux fragiles

 

Pour bien comprendre ce qui se joue chaque été, il faut avoir en tête le fonctionnement des sternes. Ces petits oiseaux marins vivent en colonie et passent la plupart de leurs hivers près des côtes africaines. Ce n'est qu'en mars qu'elles arrivent en Europe. Parmi les 44 espèces reconnues, deux prennent congé sur les grèves de Loire, la sterne pierregarin et la sterne naine pour leur période de reproduction. En résumé, à leur arrivée, ces colonies choisissent une grève où s'installer pour ensuite y pondre leurs œufs. Les mères peuvent rester plusieurs heures à couver.

 

Malgré l'arrêté, Sophie Tubiana constate encore trop d'incivilités
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Mais la quiétude d'une sterne est fragile, le moindre dérangement peut conduire à une catastrophe. "Il faut imaginer sur un banc de sable que les températures avoisinent les 50 degrés. Un accostage aux abords d'une colonie provoque un envol systématique de l'ensemble de la colonie. Ce qui a pour conséquence directe de faire les œufs en températures, car ils ne sont protégés par les adultes qui couvaient. Plus l'envol dure longtemps, plus longtemps l'œuf est en proie à ces températures et ça peut conduire à la destruction de l'embryon", explique Damien Rochier, chargé de mission à la Ligue Protection des Oiseaux de l'Anjou.

 

Des activités touristiques inadaptées

 

Malgré l'arrêté et l'installation de panneaux d'informations et d'interdiction sur les grèves où les sternes ont posé leurs nids, les dérangements restent nombreux. Ils émanent souvent d'acteurs du tourisme vert avec lequel la cohabitation peut parfois être compliquée. "Il y a un certain nombre de bateliers qui proposent des bivouacs sur la Loire, ce qui n'est pas possible avec l'arrêté. On retrouve des activités nautiques incompatibles comme du jet-ski. On a un gros souci avec une minorité de montgolfières qui continuent de frôler la Loire et ne respectent pas les 150 mètres de distance", s'agace Sophie Tubiana. À ce jour, un dossier est en instruction, mais les aérostiers restent difficiles à sanctionner, d'abord, car il est difficile de juger le respect des distances avec la Loire, mais aussi parce que la police de l'environnement ne dispose pas d'effectifs suffisants.

 

Damien Rochier fait le point sur les populations de sternes
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Alors le parc Régional Loire Anjou Touraine, la Ligue de Protection des oiseaux et la Direction départementale des Territoires lancent un appel à la responsabilité. "C'est souvent de l'ignorance. Ça cause un dérangement important, dont le public non avertit ne se rend pas compte. Les dérangements provoquent l'abandon des nids et les sternes vont aller ailleurs et ne vont pas pondre. C'est ce qui explique la chute de nos effectifs."

 

"Le tourisme et les sternes peuvent cohabiter"

 

Selon la LPO, la population de sternes naines se stabilise à 170 couples, mais celle de pierregarins, estimée à 150 couples, décroît, "par rapport aux années classiques en Anjou, on a environ 80 couples qui manque à l'appel depuis 2 ans". Mais l'activité humaine n'est pas le seul facteur. "Il y a aussi l'augmentation de la fréquence des crues tardives sur la Loire comme ce qu'on a connu au mois de juin de l'année dernière avec une hausse des niveaux de Loire de quasiment 1,60 mètre qui entraîne la destruction de l'ensemble des colonies", précise Damien.

 

Arrêté de biotope Grèves de Loire_20 07 25_AVC
Le nouvel arrêté restreint l'accès aux grèves de Loire d'avril à août pour protéger les sternes
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Pour poursuivre la sensibilisation, les contrôles devraient être renforcés, des courriers individualisés sont envoyés aux professionnels du tourisme et les associations ont aussi prévu davantage de sensibilisation auprès des riverains. "Le tourisme et les sternes peuvent cohabiter, mais il faut que les humains respectent les animaux qui vivent ici. Encore fois, la période d'instance protection des sternes, elle est brève puisqu'à partir du 15 août, c'est le levé. À un moment, il faut aussi sanctionner", s'accordent à dire les différents acteurs. Pour rappel, le non-respect de l'arrêté peut conduire à une amende allant jusqu'à 750 €.