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Présence du loup : comment se protègent les éleveurs ?

Depuis quelques semaines, le Plan loup est activé en Maine-et-Loire et en Mayenne. Chiens de protection, caméras, clôtures, les éleveurs s'activent sur le terrain face à cette nouvelle menace.

Publié : 13 février 2025 à 16h27 - Modifié : 14 février 2025 à 7h09 Alexis Vellayoudom

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Tiphaine Joly s'est équipée de caméras quand d'autres achètent un chien de protection
Crédit : Alexis Vellayoudom

Depuis quelques semaines, la présence du loup a été officialisée en Mayenne et en Maine-et-Loire. Le Plan loup a été déclenché par les autorités avec un premier niveau de Cercle 3 qui permet d'obtenir une aide pour l'achat d'un chien de protection, jusqu'à 80 % de la somme avec un plafond à 300 €, et une aide à l'entretien de 600 €, mais aussi des formations. Sur place, les éleveurs s'organisent à grande allure pour faire face à cette nouvelle menace. 

 

Reportage
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Le chien de protection, un investissement qui demande du temps

 

Depuis deux mois, sur son exploitation à Cornillé-les-Caves, Thomas Lecomte accueille une petite nouvelle. "Elle s'appelle Humi. C'est une Patou de 10 mois. Je l'ai prise à un éleveur de Vendée." Ici, le jeune agriculteur cultive 78 hectares de grandes cultures, mais surtout, Thomas élève du porc de Longué et 50 brebis allaitantes. C'est pour eux, qu'il a décidé de se former et de prendre un chien de protection. "J'ai eu quatre vols de porcs l'année dernière et des attaques de chiens sur mes brebis. C'est dur et il y a un manque à gagner." La présence du loup n'a fait que conforter son choix. "Ça rassure un peu. Elle est tout le temps dans le bâtiment avec les agnèles pour qu'elle s'attache bien à son troupeau et aussi pour que les animaux comprennent que le chien est là pour les protéger et qu'il fait partie intégrante du troupeau.

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Humi, une Patou de 10 mois, apprivoise son troupeau
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Des éleveurs comme Thomas, Odile Chancerelle en croise de plus en plus dans les formations de l'association des utilisateurs de chiens de protection en Mayenne et en Anjou. Aujourd'hui, le Maine-et-Loire compterait seulement une vingtaine de chiens de protection. "Nous ça fait déjà deux ans qu'on en parle. Tout le monde ne croyait pas que le loup allait arriver dans nos secteurs. Le chien de protection lui est là pour être dissuasif et pour expliquer aux prédateurs qu'ils ne sont pas les bienvenus", explique la bénévole, retraitée de la Chambre d'agriculture.

Un chien de protection, ce n'est comme un chien normal
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Les formations proposées durent deux jours avec une formatrice des Alpes et sont prises en charge, mais l'intégration d'un chien de protection à un troupeau est bien plus longue. "C'est beaucoup de temps d'observations et de présence. Nous ce qu'on souhaite, c'est qu'un chien de protection soit vraiment attaché au troupeau. C'est-à-dire que même s'il n'y a pas de clôture, il reste avec le troupeau. Pour que ça se passe, il faut prendre le chiot à 2 mois et qu'il ait été élevé avec les animaux donc ça veut dire que la mère était aussi au troupeau. Le côté génétique est important. Et comme souvent, chez nous, ce ne sont pas des troupeaux qui connaissent le chien de protection, faut vraiment avoir le moins de relation possible avec son chiot pour qu'il s'attache à sa famille le troupeau de brebis, de chèvres, etc.

 

Des caméras pour prévenir le risque

 

D'autres hésitent encore à sauter le pas pour un chien de protection. Dans le Haut-Anjou, au Bourg d'Iré, Tiphaine Joly et son mari, installés depuis 2017, ont un troupeau de brebis allaitantes et une ferme pédagogique. "Un chien de protection, ça coûte entre 500 et 1 000 €. Et il en faudrait presque un par lot de bêtes", précise la paysanne. En deux ans, ils se sont équipés de quatre caméras de chasse. "On va les poser à 100 ou 300 mètres de l'exploitation. Et puis, on a des soupçons d'attaques directement dans les bergeries donc on va être amené à en mettre une dedans. Elles sont déclenchées avec un détecteur de mouvement. Une vidéo va s'enclencher et en même temps, il y aura des prises de photos", explique la jeune femme.

 

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Thomas Lecomte a acheté un chien de protection pour faire face aux loups et aux vols
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

À proximité de chez eux, une zone humide de 7 hectares. "Ça fait 1 an que mon mari relève des traces de grands canidés. Et il y a quelques jours en posant les caméras, j'ai relevé des empreintes que je soupçonne être du lupus. Ce sont de grosses empreintes qui se jugent donc la patte arrière est posée sur la patte avant", confie la paysanne. Les nuits sont devenues difficiles. "J'ai du mal à aborder ce sujet sereinement. C'est quelque chose qui me travaille pas mal et qui va m'empêcher de dormir pour les semaines à venir. Je pense qu'on ne se rend pas compte de l'impact d'une prédation par le loup et notamment l'appréhension qu'en fait la société civile où les gens sont majoritairement favorables au loup."

 

Est-ce suffisant ? 

 

Aujourd'hui, les éleveurs comme les associations regrettent que le Plan loup n'aille pas plus loin dans les mesures de protection. "Je pense qu'il va falloir enclencher la seconde pour passer en Cercle 2", confie Typhaine. Ce niveau permettrait de débloquer des aides pour la pose de clôture. "Ce qui est dommage, c'est que les aides sur les clôtures n'arrivent qu'à ce niveau alors que quand on veut se protéger, ce sont plutôt les clôtures qui sont le premier niveau avant le chien", explique Odile. La retraitée trouve même aberrant que le Plan loup ne concerne pas les éleveurs de bovins. 'Il y a déjà eu des attaques dans le Doubs. Il faut protéger tous nos élevages qui pâturent. Sinon, on va se retrouver avec des animaux en bâtiment et nos prairies seront abandonnées. Il en va de la biodiversité." Les prochaines formations au chien de protection sont prévues les 13 et 14 mars dans l'Ouest du Maine-et-Loire, et le 10 juin dans l'Est.