Santé. Tarif consultation : "On nous demande de travailler à l'arrache" s'agacent des médecins du Haut-Anjou et du Maine-et-Loire

Ce lundi 27 février, une centaine de médecins du Maine-et-Loire a manifesté dans les rues d'Angers pour dénoncer les propositions de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie sur la revalorisation des consultations.

27 février 2023 à 18h44 - Modifié : 1er mars 2023 à 8h14 par Alexis Vellayoudom

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Une centaine de médecins s'est rassemblée place du Ralliement à Angers
Crédit : Alexis Vellayoudom

Une augmentation de la consultation médicale, oui, mais pas à n'importe quel prix. Et surtout pas au détriment de la qualité des soins, martèlent les médecins et leurs syndicats. Ce lundi, une centaine de professionnels, venue de tout le département, a manifesté à Angers et rencontré les passants pour expliquer son mécontentement contre les propositions de la CNAM. Ils répondaient à l'appel lancé par la Coordination des médecins libres et indépendants du Maine-et-Loire. 

 

Négociations tendues sur la hausse du tarif de la consultation

 

"C'est un mouvement de protestation contre la politique du gouvernement qui vise à détruire le système de santé actuel. Ils ont déjà détruit l'hôpital public, ils veulent s'attaquer à la ville", explique Olivier Leroy, médecin à Angers et initiateur du mouvement. Depuis plusieurs mois, la CNAM, le gouvernement et les syndicats sont en négociation sur une renégociation pour cinq ans du tarif des consultations. Si le collectif Médecins Pour Demain a longtemps martelé le tarif de 50 €, les syndicats comme MG France et la Confédération des Syndicats médicaux de France tablaient plutôt sur une augmentation à 30 €

 

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Les médecins et les syndicats rejettent les propositions de la CNAM
Crédit : Alexis Vellayoudom

Mais la CNAM n'en démord pas. Récemment, elle a proposé aux syndicats d'augmenter toutes les consultations médicales de 1,50 €. Pour les généralistes, elle passerait de 25 € à 26,50 €. "Ça nous a choqué. On ne se sent pas reconnu", explique le Dr Gislard, installée au Pôle santé de Segré. Mais la proposition qui fait le plus de bruit, c'est la possibilité pour les médecins d'avoir une consultation à 30 € en échange de prendre "des engagements territoriaux" en augmentant leur nombre de patients et en réduisant le temps de leurs consultations. "Selon la CNAM, les médecins ne travaillent pas assez alors qu'on est en moyenne à 55 heures par semaine. Et il faut soit augmenter le nombre de patients qu'on voit par heure ou notre temps de travail. Si c'est toujours faire plus, on va dégrader le soin, ça, on ne veut pas", explique le Dr Leroy. 

 

Six patients en 10 minutes

 

Sur la place du Ralliement, plusieurs médecins ont fait le déplacement comme le Dr Hitrop de Candé : "Derrière, le projet c'est de voir 6 patients de l'heure, 10 min. On peut mettre un chronomètre et dire aux patients, vous avez 10 min. Ils seront surveillés par des équipes paramédicales dans l'année. Et le médecin sera le coordinateur, il verra le patient une fois par an. Ca veut dire qu'il n'y aura plus de temps d'écoute, de dépistage, de suivi du patient". Plus loin, le Dr Roy exerce à Angers, elle est abattue : "Faudrait que je prenne 200 patients en plus par an. Ça veut pas dire 200 consultations, c'est 200 patients, quand ils vont mal, quand ils ont besoin qu'on les écoute, qu'on aille chez eux. Essayer de leur trouver des rendez-vous chez des spécialistes. Vous pouvez pas dire en 5 min à une patiente de 40 ans qu'a un cancer du sein, ba désolé c'est 26,50 € donc je vous le dis en 5 min ou alors c'est 50 € mais je vous mets une heure".

 

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Des médecins du Segréen et du Candéen ont participé au rassemblement
Crédit : Alexis Vellayoudom

Et quid des personnes qui ne peuvent pas se déplacer en cabinet, "si demain, on me demande de voir un patient toutes les 10 min, je ne pourrai plus faire de visite à domicile. Et donc, on en fait quoi des patients qui ne peuvent pas se déplacer ou des patients handicapés qui ne peuvent pas atteindre le cabinet. On les laisse sur le carreau ? Ca sera une médecine de sélection et c'est ce qu'on nous demande de faire pour en voir le plus possible. C'est pas ce pourquoi on a signé", raconte le Dr Lacour, installée à Angers. 

À côté d'elle, le Dr Damiano d'Angers lui emboîte le pas : "je fais déjà des gardes, des régulations, de la permanences des soins et on nous demande de tripler notre patientèle avec notre planning qu'est déjà plein, c'est impossible. Ce sont des objectifs inatteignables. On ne tiendra pas la cadence".

 

"Un patient, ce n'est pas un numéro"

 

Sur la rame de tram, le Dr Oumaziz est venue de Saumur. Elle distribue des pétitions aux passants : "ce document sert à sensibiliser les patients pour leur expliquer qu'on se bat pour eux. On défend le fait qu'un patient est un patient, ce n'est pas un numéro. On nous demande d'augmenter notre patientèle et notre temps de travail, en fait, on nous demande de travailler à l'arrache. Aujourd'hui, j'ai déjà 40 à 48 consultations par jour. J'aime mon métier, mais il ne faut pas que le médecin généraliste soit rendu à être un prescripteur uniquement".

 

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Les médecins informent les passants sur les propositions de la CNAM
Crédit : Alexis Vellayoudom

Et les patients soutiennent volontiers les professionnels, "ce n'est pas normal qu'on donne aussi peu d'importance à la médecine. Ca décrédibilise le système de santé", confie Aloïs. Derrière, Jean-Yves et Arlette ont décidé de signer : "c'est important d'avoir un médecin traitant qui prenne le temps de nous soigner. On a besoin d'une écoute, d'avoir une prise en charge sérieuse et attentive". 

 

Une revalorisation nécessaire ? 

 

Oui, mais pas au détriment de la qualité des soins et du temps de travail des professionnels, martèlent les médecins. "Les internes qui sortent n'ont pas envie de s'installer, car ils ne voient pas l'attractivité. La revalorisation en fait partie, mais aussi faciliter l'installation, diminuer le temps de travail sur l'administratif", explique le Dr Leroy. "Il faut revaloriser l'acte. J'ai un fils qui est médecin, tous ses amis disent, nous c'est niet, ça ne sera pas médecine générale, c'est des contraintes, une qualité de vie qui va devenir de plus en plus déplorable", ajoute le Dr Roy.  

Le Dr Mercier, à Châtelais, s'inquiète pour l'avenir : "On a peur que ça décourage des jeunes praticiens parce qu'il y a des objectifs de patientèle qui sont inatteignables, donc comment trouver des jeunes médecins pour prendre la suite de ceux qui partent en retraite ? On ne va pas favoriser l'attractivité". La Coordination des médecins libres et indépendants du Maine-et-Loire va organiser d'autres rassemblements pour sensibiliser la population. De leur côté, les syndicats rendront une réponse aux propositions de la CNAM ce mardi.