Bazougers. En 1944, des habitants ont caché son grand-père, pilote américain, elle est revenue sur les lieux de cette épopée

Ce n'est pas sans émotion que Tanya Hughes posa ses pieds à Bazougers. "C’est important d’être ici aujourd’hui pour honorer mon grand-père, voir ce que les habitants ont fait pour lui en 1944." Invitée d'honneur de la commune de Bazougers, l'Américaine est venue spécialement de la Californie pour rendre hommage à son grand-père Arthur Mimler, secouru et caché dans la petite commune mayennaise pendant une dizaine de jours en 1944. Dans une ambiance solennelle, la cinquantaine de personnes présentes ont participé à une cérémonie remplie d'émotions. 

Abbatu par les Allemands, caché par des habitants

Pourtant, cette histoire a failli rester dans l'oubli. Il aura fallu les bribes de souvenirs d'un petit garçon, 4 ans à l'époque, pour faire ressurgir la belle épopée mayennaise d'Arthur Mimler. Ce petit garçon, c'est Gaston Sauvage. Des dizaines d'années plus tard, en 1997, il se remémore le crash du pilote américain, se passionne, puis enquête. La piste le mène au fond d’une cave de la commune. Là, le gilet de sauvetage de l’aviateur trône, intact. "Quand on lui a dit qu’on avait son gilet, il a dit : je viens le chercher. Quinze jours plus tard, il était là. On était stupéfait", s’étonne Gaston. Une visite qui permettra de coucher sur papier cette histoire digne d'un scénario de film.

Le 14 juin 1944, lors de sa 43e mission de combat, Arthur Mimler, 21 ans, pilote d'un Mustang P-51 D, est touché par la DCA allemande au-dessus de Bazougers. "Il parvient à s'éjecter et il est blessé à la jambe. Il est recueilli et caché par les habitants, sous l’impulsion de l’Abbé Fricot", raconte Guy Guermond, généalogiste. Durant plusieurs jours, le Yankee trouve refuge dans une cave, puis dans une ferme, parfois même dans des bottes de foin pour échapper aux nazis, déjà à ses trousses.

Pendant trois jours, il est caché sur l’île de Souvray, nourri par la famille Giteau. "Le 18 juin, l’Abbé Fricot le déguise en sacristain, et ils se rendent à Saint-Léger, sur une zone d’atterrissage rapidement organisée par la Résistance. Mimler rate l’avion, le plan d'évasion échoue", poursuit le généalogiste. Commence alors un périple de 5 jours à pied pour rejoindre les lignes américaines à Saint-Lô. Il n'y parviendra jamais, fait prisonnier par les Allemands, il est interné au camp de prisonniers Stalag Luft III, puis libéré en avril 1945.

"Je suis très fière de dire que c’était un pilote de guerre"

Cette histoire, Tanya Hughes l'a longtemps ignorée. "Il parlait seulement du fait qu’il avait une balle dans la jambe suite au crash, car on pouvait la voir, et que, quand il marchait dans la campagne, il devait être attentif aux vaches, qui auraient pu alerter les nazis de sa présence. Il ne parlait pas beaucoup du fait qu’il avait été caché ici", se souvient la petite fille de l'Américain. Ce n'est qu'après sa visite en Mayenne qu'Arthur Mimler raconte. "On l’a reçu à la mairie, il était très ému." Chez lui, aux Etats-Unis, la parole se libère. "Quand je suis devenue une adulte, il m’a raconté d’autres histoires horrifiques avec les nazis. Il parlait couramment allemand, alors ils ont essayé de lui faire changer de camp", se souvient Tanya. 

"J’ai toujours été proche de mon grand-père, j’ai grandi avec lui. Je suis très fière de dire que c’était un pilote de guerre. C’est important de ne pas oublier", confie la Californienne, très émue. Alors pour ne pas oublier Guy Guermont et Gaston Sauvage ont co-écrit un livre L’épopée de l’aviateur américain Arthur Mimler, pour se rappeler le courage de ce pilote et de ces familles Bazougeroises qui ont risqué leurs vies.