Craon. Plainte de L214 contre l'abattoir municipal, la mairie réfute les accusations

L214 a publié une enquête sur le fonctionnement de l'abattoir municipal de Craon. L'association de défense des animaux demande la fermeture de l'établissement. Des accusations que réfutent la mairie de Craon et la préfecture de la Mayenne.

18 janvier 2024 à 10h42 - Modifié : 18 janvier 2024 à 12h18 par Alexis Vellayoudom

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Sur les vidéos, plusieurs animaux sont encore conscients après l'étourdissement
Crédit : L214

"Des scènes dignes d'un film d'horreur", ce sont les mots utilisés par L214 pour présenter son "enquête" dans l'abattoir de Craon. Dans un communiqué publié hier, l'association de défense des animaux renvoie vers des vidéos tournées dans l'abattoir municipal de Craon qui abat chaque année 4 500 animaux provenant d’élevages conventionnels ou biologiques et dont la viande de certains bovins est vendue sous AOC Maine-Anjou.

 

Des animaux encore vivants après étourdissement

 

Sur les images, on peut observer plusieurs animaux encore conscients lors de la phase d'affalage qui intervient, normalement, juste après l'étourdissement des bêtes. L'une d'elles se débat de manière très énergique et se coince une corne dans une grille, elle est saignée sur place, hors la zone autorisée. "Les relevés de tête ou de tronc, les animaux qui tentent de se relever sur leurs pattes, ou qui rampent au sol sont des signes de reprises de conscience [...] Des vaches réagissent aux coups de couteau et à la pince guillotine lors de la découpe de leurs pattes avant, de leurs cornes ou de leur tête. Pourtant, à ce stade de la chaîne d’abattage, les animaux devraient être morts", explique l'association. 

Les images publiées par L214 relèvent plusieurs anomalies dans le fonctionnement de l'abattoir. "Le box d’immobilisation ne permet pas d’immobiliser suffisamment les animaux car il n’est adapté ni à leur taille ni à leur espèce. Par conséquent, le pistolet à tige perforante, qui est censé endommager le cerveau des animaux pour les rendre inconscients, ne peut être orienté et positionné correctement. Afin de pallier ce problème structurel, les opérateurs tentent d’immobiliser certains bovins en leur projetant un jet d’eau dans les yeux".

 

Une plainte déposée

 

L'association pointe aussi l'absence des services vétérinaires : "Les étourdissements ratés, les délais longs entre l’étourdissement et l’égorgement, la découpe qui intervient trop rapidement après la saignée, et l’absence d’intervention des services vétérinaires expliquent en partie cette situation effroyable [... ] Il n’y a jamais d’évaluation de l’état d’inconscience des animaux. Par conséquent, les opérateurs n’ont pas recours aux étourdissements d’urgence, pourtant nécessaires. Malgré ces infractions, aucune modification des modes opératoires n’est apportée par la direction de l’abattoir ni par les services vétérinaires pourtant présents sur place."

"Plus grave est la faute professionnelle du vétérinaire sanitaire responsable dans cet abattoir qui n'est pas intervenu pour faire arrêter ces actes de mauvais traitements en bouverie et ces actes de cruauté sur la chaîne d'abattage : au-delà de la faute professionnelle, c'est un délit de complicité d'actes de cruauté", ajoute le professeur Mouthon, docteur vétérinaire. L'association a déposé plainte contre l'abattoir pour "cruauté, sévices graves et mauvais traitements, pour tromperie du consommateur et pour les infractions commises par l’employeur envers ses salariés. En effet, les opérateurs courent des risques majeurs pour leur sécurité au moment de l’étourdissement des veaux, de l’accrochage des bovins, et de la saignée d’animaux.". L214 a demandé à la préfète de la Mayenne et au ministre de l'Agriculture de fermer l''établissement.

 

La Ville de Craon réfute les accusations 

 

Dans un communiqué, la municipalité note, "la Ville de Craon a pris connaissance de l’intrusion de L214 dans les locaux de l’abattoir municipal, cela au mépris de toutes les règles sanitaires qui prévalent. La municipalité dénonce fermement ce procédé d’un autre temps, de prise de vues en caméra cachée". La ville se défend en rappelant les "lourds" investissements réalisés dans l'abattoir. "Parmi lesquels, l’installation d’un nouveau piège, en décembre 2023. Ce nouvel équipement est certifié conforme par les services de l’État et répond ainsi aux nouvelles normes en termes de bien traitance animale, en vigueur au 1er janvier 2024". 

Sur la question du contrôle, pointée par L214, Craon rappelle que la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations a réalisé un contrôle durant trois semaines à l'automne dernier. "En novembre dernier, les mêmes services ont attribué la note B (NDLR : tous les abattoirs de France sont notés de A, la note maximale, à D, la note la plus faible). "Pour notre établissement, avoir un B est une très bonne notation. Nous l’avons acquis depuis deux ans. Elle prouve le sérieux de nos équipes", indique le maire Bertrand de Guébriant. Il poursuit, "de plus, trois agents des services de l’État sont présents sur place chaque jour et contrôlent le fonctionnement de l’abattoir de Craon. Dans un souci d’amélioration permanente, la Ville de Craon a, en décembre dernier, lancé une procédure pour créer un poste spécifique à la bien traitance animale au sein de l’abattoir". 

"Ce montage vidéo vise à jeter l’opprobre sur des agents professionnels, impliqués, engagés et rendant un service public de grande qualité. 70 à 80 éleveurs font appel chaque année aux services de l’abattoir de Craon, le seul établissement municipal dans les Pays de la Loire", conclu la municipalité. Le maire Bertrand de Guébriant se réserve le droit de porter plainte contre L214.

 

Des modifications apportées depuis une mise en demeure selon la Préfecture

 

Dans la foulée, la préfecture de la Mayenne a réagi. Elle qualifie l'action de L214 de clandestine et illégale. Les services de l'État rappellent que les quatre abattoirs mayennais sont inspectés régulièrement par les services vétérinaires de l’État chargés l’application de la réglementation relative à la protection animale. "Dans le cadre de leur mission d’inspection permanente, les services de l’État ont adressé le 21 avril 2023 à l’exploitant de cet abattoir une mise en demeure sur les conditions d’immobilisation des animaux avant leur étourdissement. Cette mise en demeure a toutefois été levée le 12 juillet suivant au regard des actions correctives déjà engagées", peut-on lire dans un communiqué. 

La préfecture confirme les propos de la mairie sur l'installation, à la fin du mois de décembre, d'un nouvel équipement de contention (ndlr : que la mairie nomme piège) plus adapté à toutes les tailles de bovins. "Dans ces conditions, les installations qui apparaissent dans la vidéo diffusée par L214 ne sont donc pas celles actuellement en service au sein de l’abattoir de Craon". Enfin, les services de l’État précisent : "que le seul visionnage d’images filmées par L214 ne permet pas de conclure en l’espèce à des cas de souffrance animale".