Guerre en Ukraine : les agriculteurs face aux répercussions économiques sur les céréales et les énergies
Avec la guerre en Ukraine, les agriculteurs subissent une augmentation du prix des céréales et des énergies.
Publié : 31 mars 2022 à 11h39 par Alexis Vellayoudom
La guerre en Ukraine remet en cause notre dépendance énergétique et alimentaire. L'invasion du territoire ukrainien, mais aussi les sanctions vis-à-vis de la Russie sanctionnent l'Union européenne dont la France, mais surtout la filière agricole dont les coûts de production ne cessent d'augmenter et pourraient se répercuter dans vos assiettes.
"Le grenier du monde est mis à mal"
En Ukraine, sous les bombes russes, les agriculteurs tentent tant bien que mal de semer et moissonner, mais la production des céréales comme le blé, le maïs et l'orge tourne au ralenti, l'acheminement de ces protéines est limité car les ports sont fermés, "selon le ministre de l'Agriculture ukrainien, des agriculteurs sont tués, certaines récoltes sont brûlées", avance Florent Renaudier, président de la FDSEA 53. Avec la guerre, c'est tout le marché mondial des céréales qui est remis en cause. Par exemple, l'Union européenne représente 28 % des exportations ukrainiennes en céréales, "le Grenier du monde est mis à mal et on aura du mal à compléter ce qu'il ne pourra pas produire", explique Jean-Yves Guérot, responsable avicole à la FDSEA 53. "Aujourd'hui, le problème, c'est qu'on est dépendant des sojas. En France, on a essayé de produire quelques variétés qui peuvent satisfaire à la production locale, mais on se casse les dents. Beaucoup d'éleveurs ligériens ont essayé, mais ce n'est pas à la hauteur. Il faut absolument que les entreprises avec lesquelles on travaille arrive à trouver une solution pour qu'on puisse diminuer notre dépendance aux protéines qui viennent d'ailleurs", ajoute l'éleveur de poulets et de dindes.
En attendant, les disponibilités en céréales sont limitées sur le marché mondial, les cours sont à la hausse et les agriculteurs français ont du mal à se fournir. Selon la FDSEA 53, les céréales comme le blé, le maïs et l'orge ont pris 20 à 30 % d'augmentation. Un coût de production pour les agriculteurs qui se répercutera dans les supermarchés, "le consommateur, il va voir son escalope prendre 10 à 15 centimes. Je pense que l'impact aujourd'hui sur le consommateur ne sera que de 15 à 20 euros à l'année, ça sera relativement modique. Mais le problème, si aujourd'hui la grande distribution ou la restauration hors domicile ne prennent en compte ces nouvelles charges à l'éleveur et bien ça ne passera pas et des éleveurs jetteront l'éponge", décrit Jean-Yves Guérot.
Alors que les négociations commerciales entre la grande distribution, les industriels et le monde agricole se sont terminées le 1er mars, le gouvernement a annoncé leur réouverture en raison du contexte économique.
La famine guette certains pays
"L'Europe a besoin de produire", martèle, l'éleveur. Dans son plan de résilience, la France est en passe de faire accepter à l'Union européenne de remettre en culture 3 à 4 millions d'hectares en jachère, ce qui représente 294 hectares en Mayenne. Une décision qui pourrait aussi permettre de fournir des pays très dépendants des céréales ukrainiens et russes (84 % des importations en céréales de l'Egypte), "on pourra aider ces pays à travers quelques milliers de tonnes qu'on pourra leur délester [...] au niveau mondial, on doit essayer de rétablir une logique et on ne doit pas laisser les gens sans céréales pour au moins avoir du pain, des pâtes, des produits de première nécessite et à des prix tolérables", explique la FDSEA.
Les dépenses énergétiques en hausse
L'autre problème causé par la guerre, c'est l'accès aux énergies. La Russie est le premier fournisseur de l'Union européenne pour le gaz naturel (40 %) et le pétrole brut (27 %). Alors même si la France est moins dépendante du gaz russe (17%) que notre voisin allemande, l'agriculture n'en reste pas moins impactée. Par exemple, dans la filière volaille, les énergies comme le fioul et le GNR sont devenues le 3ème poste de dépense, "j'ai pris 140 % d'augmentation sur le gaz naturel au 1er février et c'était avant le conflit russo-ukrainien. Aujourd'hui, les énergies deviennent très compliquées à faire venir dans notre pays. Notre dépendance est assez grave, on doit réfléchir à notre autonomie rapidement avec les pouvoirs publics", témoigne Jean-Yves Guérot. Ajoutez à cela l'électricité, + 20 à 60 % d'augmentation ces derniers mois. Pour l'éleveur, installé à Changé, il faut repenser à revaloriser le prix payé aux éleveurs : "il y a plus de 20 % d'augmentation encore à faire. Aujourd'hui, ça ne s'est jamais vu, les prix ont changé de façon exponentielle et avec des perspectives qui ne sont pas encourageantes. C'est très inquiétant pour le monde de l'élevage".
Dans une lettre envoyée au préfet, Florent Renaudier, président de la FDSEA 53, a demandé au préfet de la Mayenne de défendre l'accès privilégié au fioul et au GNR pour l'agriculture. L'autre solution serait que les agriculteurs cultivent des céréales destinés à fabriquer du carburant, mais "ils ne sont pas prêts à mettre leurs grains dans le carburant", confie Jean-Yves Guérot. Pour aider les éleveurs, le gouvernement va permettre le remboursement anticipé de la TICPE, la taxe intérieur de consommation sur les produits énergétiques sur le GNR. Un acompte de 25 % pour la TICPE 2022 pourra être accordé sur demande.