Vendée Globe 2024. Fabrice Amedeo : « Je me disais que j'allais être en mer pour le reste de ma vie »
Fabrice Amedeo a franchi la ligne d'arrivée du Vendée Globe 2024 ce mardi, en début d'après-midi. Une aventure de près de 114 jours qui est parfois apparu comme une éternité pour le Segréen.
Publié : 4 mars 2025 à 23h19 - Modifié : 4 mars 2025 à 23h20 Cyprien Legeay
/medias/ZXr66LkaBv/image/D_part_Vend_e_Globe_2024_10_11_24_CL_21741126823230.jpg)
Fabrice Amedeo, quel sentiment ressentez-vous à votre arrivée ?
Du soulagement. Après 114 jours, c'est très très long. Je n'étais pas parti pour rester si longtemps en mer. J'avais dit à mes enfants que ça allait durer entre 90 et 100 jours maximum. J’ai mis 114 jours, donc c'était vraiment au-delà de ce que j'imaginais. Mais au final, c'est ça la magie du Vendée Globe, c'est ça la magie de l'océan. Au final, 114 jours, c'est une vraie expérience tout seul. Quasiment quatre mois. C'est beaucoup plus que les autres, donc je suis allé chercher autre chose. Le bateau allait moins vite, c'est clair, mais par contre, je suis allé chercher autre chose au niveau du mental, parce qu'il y a vraiment un moment où l'éternité s'est installée dans ma tête, je me disais "il ne va jamais se terminer ce Vendée Globe, je vais être en mer pour le reste de ma vie”. Les jours défilent, les milles pas énormément. C'est un vrai combat pour accepter, et pour être quand même heureux en mer.
C'était différent de ce qui s'était passé il y a huit ans ?
Oui, c'était très différent de ce qui s'était passé il y a huit ans. Parce qu'il y a huit ans, j'y suis allé super cool. Et j'ai mis 10% de moins. J'ai mis 103 jours. Là, j'y suis allé moins cool, j'ai mis plus de temps. Donc il y a eu des choix de trajectoire moins ambitieux qu'il y a huit ans peut-être aussi. Je trouve que l'océan a un peu changé. La nature, je la trouve plus imprévisible qu'avant. Sans doute le réchauffement climatique. Je trouve que les masses d'air sont plus instables, il y a plus de grains. C'est plus difficile de naviguer en solitaire, je trouve. Pour des profils comme moi, ça pousse à un peu plus de prudence.
Qu'est-ce que vous avez appris de vous pendant cette aventure ?
J'ai appris que j'étais capable d'être patient. Parce que je suis quelqu'un d'assez impatient. Je suis quelqu'un de remuant avec toujours des idées, des envies, des projets, etc. J'ai réussi à être patient, à quitter complètement la temporalité de la terre pour vraiment être dans la temporalité du Vendée Globe. La temporalité des journées qui passent. Et où il ne faut surtout pas se projeter. Parce que quand on est à J-30 et qu'il reste 70 jours de mer, ça ne sert à rien de compter les jours. Ça, c'est une qualité que je ne me connaissais pas.
Une autre émotion que je partage avec vous, c'est hier soir quand je suis arrivé à la pointe de Bretagne, il y avait ce pêcheur que j'avais envie d'appeler à la VHF : "Salut, c'est moi, je reviens, c'est dingue !" J'avais l'impression de sentir les odeurs de la Bretagne alors qu'elle était à 30 milles nautiques. En fait, je me suis dit "tiens, c'est quoi cette émotion que je ressens ?" C'était de la joie. Je me suis dit "tien, c'est marrant, dans ma vie, j'ai eu beaucoup de moments de bonheur, la naissance de mes enfants, plein de moments comme ça qui sont des moments de bonheur intenses. Mais de la joie en fait, ce n'est pas si souvent que ça qu'on a de la joie". Hier, j'étais habité par une joie extatique ! Une joie gigantesque ! J'étais de retour à la maison et j'allais faire route vers les Sables d'Olonne pour retrouver ma famille, les gens que j'aime, tous ces gens aussi qui sont là, c'est incroyable. Et cette joie, cette joie-là, elle est incroyable. Elle est incroyable cette joie !