Château-Gontier. Les soignants mobilisés "pour la survie d'un hôpital qui fonctionne bien"
Opération gilets jaunes menée ce jeudi par les soignants et médecins du centre hospitalier du Haut-Anjou. Ils protestent contre la décision de l'ARS de ne pas renouveler le mandat de leur directeur, et craignent une possible fusion des directions des hôpitaux mayennais, ce qui fragiliserait le CHHA selon eux.
Publié : 14 février 2025 à 14h07 par Marie Chevillard
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La résistance était visible par touches de jaune fluo, au centre hospitalier du Haut-Anjou, à Château-Gontier et Segré, ce jeudi 13 février. Ces gilets jaunes, symboles de contestation, ont été repris par les médecins et soignants de l'hôpital avec un message inscrit sur le dos : "nous soutenons notre directeur, soutenez votre hôpital !" Injonction adressée aux patients, après l'annonce il y a quelques jours de l'Agence régionale de santé des Pays de la Loire de ne pas renouveler le mandat du directeur actuel du CHHA, Eric-Alban Giroux. Tout comme celui des autres directeur et directrice des hôpitaux de Laval et Mayenne. Avec, en pointillés, une possible direction commune aux trois hôpitaux, ce que réfutent les syndicats et les salariés de l'hôpital castrogontérien.
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D'autant plus qu'au Centre hospitalier du Haut-Anjou, "tout fonctionne bien, très bien même, assure le Dr Cyril Guei-Koré, médecin radiologue et chef de service imagerie. Il faut régler les problèmes des hôpitaux de Laval, de Mayenne, mais pas chercher des problèmes à Château-Gontier alors qu'il n'y en a pas." Dans son propre service, il a apprécié l'évolution des moyens depuis 2012, année de son arrivée. "A l'époque, on n’avait pas d’IRM, maintenant c'est le cas depuis 2016 ; on est passé de deux salles d'échographies à trois salles aujourd'hui, d'une salle de radio à deux ; on a étoffé le plateau technique de Segré..." Et de citer d'autres services : "on a des psychiatres, on a recruté des dentistes, le plateau de chirurgie s’étoffe… Ici tout fonctionne bien : je suppose que c’est pour ça que l'ARS veut qu’on fusionne avec ceux qui ne fonctionnent pas, pour essayer de les aider, mais un hôpital, ça ne marche pas comme ça !"
"On défend la survie de notre hôpital"
En creux, c'est en effet la crainte des soignants et médecins rencontrés : que les services des différents hôpitaux mayennais soient regroupés à Laval pour pallier les manques de l'hôpital-support, au détriment du CHHA, qui arrive aujourd'hui à tirer son épingle du jeu. "Ici, c’est très familial pour les patients, ils s’y retrouvent, apprécie Nathalie, infirmière en chirurgie ambulatoire. Lorsque les services de chirurgie sont débordés à Angers ou à Laval, certains patients viennent à Château-Gontier. J'y travaille depuis 30 ans et j'espère bien y finir ma carrière : on défend la survie de notre hôpital."
De son côté, l'ARS évoque la nécessité de "la mise en place d’une organisation concertée et coordonnée pour les urgences des trois hôpitaux, avec un nouveau mode de pilotage". Traduction par le Dr Mélanie Boisseau, pharmacienne cheffe de service du CHHA : "une organisation centralisée des urgences, ça passe forcément à long terme par un seul site d’urgences sur le département. Or, la population de Château-Gontier a le droit d’avoir un service des urgences fonctionnel et accessible, comme la population de Laval et du Nord Mayenne." Et ce, alors que les urgences sont déjà très souvent régulées la nuit, et les services de Laval et Mayenne, parfois complètement fermés par manque de médecins.
"La population est en danger"
Ce qui inquiète beaucoup Marie-Christine Salvato, présidente de la CPTS (communauté professionnelle territoire de santé) du Sud-Est mayennais et régulièrement médecin régulateur au 116-117 la nuit. "Nous régulateurs, on va exploser parce qu'on est trop sollicités : quand vous avez 100, 120 appels en 12 heures, comment vous faites ? C'est de la maltraitance : la population est en danger puisqu'elle ne sera pas soignée correctement, surtout s'il n'y a qu'une seule gouvernance. Et si on nous enlève notre hôpital, il va nous rester quoi ?" La médecin rappelle que le CHU d'Angers est déjà lui aussi surchargé, et ne pourrait donc pas absorber ce nouveau flux de patients.
Une fermeture des urgences au CHHA pourrait être le début d'un cercle vicieux, craint Mélanie Boisseau. "Fermer des urgences, ça veut dire progressivement fermer tous les plateaux techniques et fermer les blocs opératoires, parce que sans un urgentiste, vous ne faites pas de traumatologie si vous avez une fracture et que vous devez passer au bloc opératoire. Evidemment ça va avoir des conséquences aussi sur la maternité, donc c'est vraiment tout ce risque-là que nous refusons de prendre pour la population. On vit assez mal le fait d’être remis en cause, via la voix de notre directeur aujourd’hui, mais peut-être pour le reste demain..."
Une maternité en sursis
Une "punition" pour la direction, que Nathalie, secrétaire médicale, a du mal à accepter. "Nous soutenons notre directeur, il est dans l’action : par exemple, quand il y avait eu la crise Covid, je crois qu’on a été les premiers à proposer des vaccins, à proposer des consultations pour les personnes malades… On ne veut pas que l’ARS tire les ficelles d’un directeur-marionnette, qui ne prendrait pas forcément des décisions dans l’intérêt de la population du Sud Mayenne."
Ce risque de "métropolisation", avec un regroupement des soins dans une seule ville du département, Sophie en est bien consciente. Sage femme à la maternité du CHHA depuis 33 ans, elle espère « que l’ARS prendra conscience que nos maternités de niveau 1 (sans service de pédiatrie) sont nécessaires pour la population. On a la chance d'avoir une équipe stable de gynécologues-obstétriciens, de pédiatres et d'anesthésistes. Notre réputation n’est plus à faire. Mais si le plateau technique va sur Laval, ça veut dire qu'il n'y aura plus de maternité à Château-Gontier. Des trajets plus longs pour les consultations, les échographies et les accouchements, ça fait prendre plus de risques aux futures mamans et bébés".
Une menace de détérioration des soins qui s'accompagnerait aussi de démissions en cascade, selon Cyril Guei-Koré. "On a beaucoup de médecins qui habitent à Angers, comme moi. C'est plus simple pour nous de faire la distance Angers/Château-Gontier. Et si on veut nous envoyer à Laval, on n'ira pas".
Une réunion va avoir lieu le 10 mars prochain avec l’ARS sur la gestion et l'organisation des services des urgences en Mayenne.