Maine et Loire

En Anjou. Asphyxié par la pression fiscale, ce boulanger segréen a décidé de lâcher l'affaire

Depuis deux semaines, la boulangerie La Fournée de Pépé à Segré est définitivement fermée. Son gérant Mickaël François a rangé le tablier, étouffé, dit-il par la pression fiscale et l'inflation. Il envisage de quitter la France.

Publié : 11 mars 2025 à 11h40 - Modifié : 11 mars 2025 à 11h40 Alexis Vellayoudom

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Mickael François a ouvert la Fournée de Pépé à Segré en 2019.
Crédit : Coralie Juret

Il a fini par dire stop. À la Fournée de Pépé, depuis le 28 février, les fours sont éteints, l'odeur du croissant au beurre s'est estompée, comme le boulanger. Mickaël François a décidé de plier bagage. Etouffé, dit-il par l'inflation et la pression fiscale. 

 

"Payer des taxes, des impôts pour quelque chose qui marche, je veux bien"

 

"La situation économique en France est en berne. Les taxes, les charges, la consommation des gens a changé, ce que je peux comprendre aussi. Le panier moyen a baissé. Un plus un, ça fait deux et quand on n'arrive plus à arriver à deux, on arrête. Je pense que c'était la meilleure solution", résumé l'ancien artisan-boulanger. En cause, la pression fiscale exercée sur les artisans. Dernier exemple en date, la taxe sur les emballages pour les boulangeries, poissonnerie et boucheries. "Hop, comme ça pour l'écologie, ils nous ont sorti une petite taxe sur les emballages des baguettes, des croissants, de 0,0075 centime, c'est peut-être pas grand-chose, mais sur une année, c'est énorme. Il y a des nouvelles lois qui arrivent comme ça. Comme si ces métiers là étaient en plein essor et que tout allait bien. C'est en plein essor pour les grandes chaînes, mais pour les petits artisans, je ne comprends pas." 

 

Pourquoi a-t-il fermé ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Les charges mises bout à bout ne lui permettaient plus de vivre de son métier. "À la fin, quand je pouvais, je me versais 900 € de salaire pour 80 heures de travail par semaine. Il y a des mois, je ne pouvais pas. Entre l'esclavagisme ou arrêter, j'ai préféré arrêté." L'artisan ne trouvait plus aucun sens. "Payer des taxes, des impôts pour quelque chose qui marche, je veux bien. Mais en ce moment vous regardez la sécurité en France, il y en pas. L'Éducation nationale, j'espère que Madame Borne va faire quelque chose. Les hôpitaux, excusez-moi de vous dire ça, quand j'étais en Angleterre dans les années 2000, où il y pas de régime social, les hôpitaux c'était pitoyable à Londres. On est rendu au même niveau à l'heure actuelle alors qu'on a une sécurité sociale donc où vous le pognon ?

 

Victime de l'inflation

 

Mickaël François n'en est pas à son premier coup de gueule. En janvier 2023, le boulanger était monté à Paris pour manifester avec une centaine de boulangers contre la flambée des prix de l'énergie et réclamer un bouclier tarifaire. Son fioul était passé de 56 centimes le litre à 1,96 €. Il avait alors montré sa colère en ne payant plus l'URSAFF. Un gouffre financier qui l'avait amené à des mesures drastiques. "J'ai fait un choix. Il faut payer les charges, plus l'augmentation. J'avais calculé et je m'étais séparé de mon salarié. C'est dommage pour lui, mais maintenant, il est reparti ailleurs", rappelle le boulanger. Un an plus tôt, il faisait aussi partie de ceux qui dénonçaient la baguette à 29 centimes de l'enseigne Leclerc, alors que les boulangers subissaient de plein fouet la flambée des prix des matières premières.

 

"Où va le pognon ?"
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Des combats qu'il a souvent mené avec d'autres boulangers du Segréen, mais pas assez selon lui. "Tous les collègues ont le même constat, mais beaucoup ne veulent pas s'exprimer, car ils ont peur de leur image auprès de la clientèle. On devrait se mobiliser un peu plus pour dire qu'on en assez des taxes." L'artisan en veut aussi à la classe politique. "Je ne sais même pas si ceux qui nous dirigent, ils se sont rendus compte de ce qu'ils ont fait cet été. Entre la dissolution, après, on attend la fin des Jeux olympiques. On recrée un nouveau gouvernement qu'on vire quelques mois après donc pas de budget pour 2025. Noël arrive, toujours pas de gouvernement. Ils préfèrent se battre pour savoir si on doit mettre une petite crèche dans une mairie. Et là vous vous dîtes, est-ce que ceux qui nous dirigent comprennent que les patrons n'avaient aucune vision pour 2025. Parfois, je me demande s'ils sont vraiment à notre écoute. L'Assemblée nationale, c'est une garderie."

 

"Retravailler en France ? Je ne sais pas"

 

Comme tout le monde, Mickaël François et sa femme sont allés s'inscrire à France Travail. "Avec ma femme, le même jour, on remplit le même dossier, on coche les mêmes cases. À l'heure actuelle, ma femme a eu une réponse avec des documents à remplir, moi, je n'ai rien eu. Je ne sais pas comment ils bossent à France Travail", s'agace l'ancien boulanger. "Nous qui avons cotisé beaucoup, j'espère qu'en tant qu'ancien entrepreneur, le pays ne va pas nous lâcher. Malgré ça, le couple s'interroge sur son avenir en France. "Retravailler en France ? Je ne sais pas. On pourrait quitter la France, parce que je suis déçu de mon pays. Là, on se pose et on réfléchit." Mickäel François estime avoir arrêté à temps. Lui et sa femme repartent avec une petite dette. La boulangerie est placée en liquidation judiciaire et le bâtiment a été mis en vente par le mandataire.